Dressée sur son piton rocheux avec ses faux airs de Mont-Saint-Michel, la citadelle de Minas Tirith domine le Mordor de ses arches romanes, de ses coupoles byzantines. L’univers créé par J. R. R. Tolkien (1892-1973) évoque immédiatement un Moyen Age imaginaire. Une veine médiévale irrigue toute l’œuvre de l’écrivain britannique et caractérise son immense succès depuis la publication du Hobbit (1937) et du Seigneur des anneaux (1954-1955). Pourtant, dans Tolkien et la mémoire de l’Antiquité, les professeures de littérature Isabelle Pantin et Sandra Provini défendent un tout autre point de vue.
Moyenâgeux, Gandalf le sorcier, l’elfe de sang royal Galadriel, Smaug le Dragon ? Que nenni ! Ces personnages fantastiques évoluent dans l’ombre portée de la guerre de Troie, de ses épopées héroïques. La Terre du Milieu, continent sur lequel se déroulent les aventures de Bilbo et de Frodo, se rapproche de la Méditerranée, en tant qu’espace habité par les hommes, nommé oikoumenè dans la conception aristotélicienne. Quant à l’écriture de Tolkien, son goût pour l’histoire orale et chantée, elle se rapporte à la fois aux aèdes grecs et aux historiens de l’Antiquité tardive, Orose, Gildas le Sage ou encore Bède le Vénérable (Ve-VIIe siècle).