Jordi Savall, chef d’orchestre : « Si nous n’arrivons pas à arrêter ce qui se passe à Gaza, chacun de nous sera moralement responsable »

Je viens d’Espagne, un pays qui doit sa richesse culturelle à la présence sur son sol, depuis le Moyen Age, des peuples des trois religions monothéistes : les chrétiens, les juifs et les musulmans. Cela m’a permis de comprendre très tôt l’importance d’établir des liens entre toutes les cultures de la Méditerranée. Que cela soit dans mes recherches ou mes projets musicaux, je me suis efforcé de remonter vers mes racines catalanes et ibériques. Avec mes ensembles musicaux, j’ai essayé d’établir un dialogue entre ces cultures vivantes, descendantes de celles qui nous ont accompagnés durant plus de huit siècles [la période dite « d’Al-Andalus », du VIIIe au XVe siècle].

Alors que le dialogue social et politique dégénère si souvent, la musique apparaît comme une manière de dialoguer et de s’entendre. J’ai pour cela travaillé à réunir des musiciens d’horizons très différents. Dès 1974, j’ai invité des artistes arabes et israéliens à se joindre à l’ensemble Hespèrion XX [désormais Hespèrion XXI], pour construire avec eux des projets sur la musique de la diaspora séfarade.

Quelques années plus tard, en 2006, nous avons réalisé notre premier album Orient-Occident, un dialogue entre les musiques méditerranéennes, chrétiennes, juives et arabes. Cette collaboration a abouti, en 2008, à notre grand projet intitulé Jérusalem, la ville des deux paix, qui retrace la longue histoire de cette ville, centre sacré des trois religions monothéistes.

Il n’a pas toujours été facile de faire jouer ensemble des musiciens juifs et palestiniens, des musiciens chrétiens et musulmans, ou des musiciens arméniens et turcs. Pourtant, c’est en jouant ensemble que nous avons pu surmonter la méfiance initiale et découvrir à travers la musique que, finalement, nous aspirons tous, en tant qu’êtres humains et musiciens, à la beauté, à la vie et à la communion avec l’autre, au-delà des nationalités et des religions. C’est pourquoi je refuse de considérer que mes mots sont ceux d’un musicien désarmé. Au contraire, la musique nous montre les voies du dialogue et de la nuance.

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