Expérimental et populaire, électrique (trois guitares) et électro, mélancolique et glacial : ces dualités ont fait toute l’originalité du groupe britannique Radiohead, le plus fascinant à suivre dans la sphère rock depuis trente ans et la parution de son deuxième album, The Bends. Sans doute parce que le cœur de son réacteur est alimenté par deux artistes bien différents : le chanteur et parolier Thom Yorke, à qui échoit l’écriture de chansons, et le guitariste et multi-instrumentiste Jonny Greenwood, qui procède à leur harmonisation et à leur mise en sons.
Chez Radiohead, le paradoxe n’est pas seulement créatif. Occupant quelque peu la place que tenait Pink Floyd dans les années 1970 – un succès phénoménal sans céder à la facilité –, le quintette d’Oxford, qui a développé en outre une thématique similaire (l’aliénation dans le monde moderne et le capitalisme destructeur), s’est retrouvé dans une position aussi intenable que son aîné. Signé à l’origine par une major du disque (EMI), il n’a cessé également de dénoncer cette industrie, jusqu’à distribuer lui-même sa musique et nouer un partenariat avec un label indépendant (XL Recordings).