C’est dans une ambiance lourde que s’est déroulée la fashion week de New York, du 11 au 16 septembre. Si les prises de position politiques avaient déjà été discrètes la saison passée sur les podiums, elles se sont révélées cette fois-ci plus timides encore, pour ne pas dire pratiquement absentes. L’assassinat de Charlie Kirk, influenceur ultraconservateur, survenu la veille de l’ouverture des défilés, a rappelé la fébrilité d’un pays polarisé – même si le sujet a soigneusement été évité dans les propositions des créateurs.
Le cas du designer Willy Chavarria est révélateur : d’ordinaire coutumier des présentations à portée militante (il a, par exemple, dénoncé les lois anti-immigration du gouvernement Trump dans une mise en scène choc, à Paris, en juin), il a choisi de laisser de côté son registre engagé pour présenter sa première collection féminine dans un cadre intimiste. Un contraste avec la cérémonie des Emmy Awards qui s’est tenue dans la nuit du 14 au 15 septembre, où quelques acteurs ont affiché leur soutien à la cause palestinienne, tandis que l’humoriste Stephen Colbert, critique de Donald Trump et récemment évincé de son émission, recevait le prix du meilleur talk-show.
La mode américaine n’en reste pas moins traversée par des enjeux économiques et stratégiques majeurs. Le modèle wholesale (une distribution par l’intermédiaire de détaillants multimarques) en ligne traverse une crise profonde. Après la fermeture de l’e-shop Matches, le site canadien Ssense, principal distributeur des designers américains émergents et connu pour son marketing progénération Z, connaît de graves difficultés financières qui risquent de fragiliser encore plus toute une génération de talents. Les droits de douane de 25 % imposés par les Etats-Unis sur certaines importations canadiennes ont déstabilisé son activité, déjà en recul depuis 2023. Les sites Mytheresa et Farfetch, de leur côté, peinent à trouver un équilibre économique face à la baisse de la consommation dans le monde du luxe. A l’inverse, les droits de douane imposés par Washington au reste du monde pourraient, sur le marché intérieur, jouer en faveur des créateurs américains. Selon les observateurs, une clientèle amenée à réduire ses achats de produits de luxe européens pourrait se tourner vers des designers locaux.