Le président américain, Donald Trump, a menacé lundi 6 octobre d’instaurer un état d’urgence aux Etats-Unis pour envoyer l’armée dans des villes américaines, après avoir déjà déployé des troupes à Chicago (Illinois) et Portland (Oregon) contre l’avis des élus locaux et à rebours de décisions de justice.
« Il y a une raison pour laquelle nous avons l’Insurrection Act. Si je devais l’invoquer, je le ferais. Si des gens étaient tués et que les tribunaux nous retenaient ou que des gouverneurs ou des maires nous retenaient, bien sûr que je le ferais », a-t-il affirmé pendant un échange avec des journalistes dans le bureau Ovale de la Maison Blanche.
L’Insurrection Act est une loi de 1807 permettant aux présidents américains de mobiliser, dans des contextes exceptionnels, certaines forces armées contre des citoyens américains, ce qui est interdit en principe. Elle a été utilisée pour la dernière fois en 1992 à Los Angeles, en Californie, lors des émeutes et pillages consécutifs à l’acquittement de policiers accusés d’avoir passé à tabac Rodney King, un homme noir.
L’Illinois et Chicago, la principale ville de cet Etat du nord du pays, ont saisi lundi la justice pour bloquer le déploiement par l’administration Trump des militaires de la garde nationale dans ce que la Maison Blanche décrit comme une « zone de guerre ». La juge fédérale chargée du dossier ne s’est pas prononcée dans l’immédiat, mais a fixé une audience à jeudi.
« Les Américains, où qu’ils habitent, ne devraient pas vivre sous la menace d’une occupation par les forces militaires des Etats-Unis, et surtout pas simplement parce que leur ville ou leur Etat sont tombés en disgrâce auprès du président », affirment dans leur recours les autorités de l’Illinois et de la ville de Chicago.
Elles accusent l’administration Trump d’avoir tiré « prétexte » de manifestations devant un centre de la police de l’immigration (ICE) en banlieue de Chicago pour justifier l’envoi de troupes. « Mais loin de contribuer à la sûreté publique dans la région, les actions provocatrices et arbitraires [de l’ICE] risquent de la compromettre en déclenchant des protestations publiques », soulignent les plaignants, appelant la justice à s’opposer à ce déploiement.
Ils rappellent notamment la mort, le 12 septembre, d’un immigré en situation irrégulière tué à Chicago par des agents de l’ICE après un refus d’obtempérer à un contrôle, quatre jours après le lancement d’une vaste opération dans l’Illinois, baptisée « Midway Blitz ».
Le gouverneur démocrate de l’Illinois, J. B. Pritzker, a accusé l’administration Trump de « suivre un manuel : provoquer le chaos, créer la peur et la confusion, faire croire que des manifestants pacifiques sont des émeutiers en leur tirant dessus à coups de gaz lacrymogènes ». Le but est de « créer un prétexte pour invoquer l’Insurrection Act afin de pouvoir envoyer l’armée dans notre ville », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse, assurant qu’il n’y avait « aucune insurrection » à Chicago justifiant l’envoi de la troupe.
Depuis des semaines, Donald Trump cible Chicago, qu’il qualifie de « trou à rats » ou encore de « capitale mondiale du meurtre » et annonce son intention d’y déployer des militaires de la garde nationale comme il l’a fait à Los Angeles (Californie), à Washington, DC, et à Memphis (Tennessee), à chaque fois contre l’avis des autorités locales.
Il a signé samedi un décret pour autoriser l’envoi de 300 gardes nationaux à Chicago afin de « protéger les agents et biens fédéraux », selon la Maison Blanche. Les gardes nationaux, réservistes de l’armée, sont formés pour intervenir dans des situations de catastrophes naturelles, mais ils peuvent également combattre à l’étranger.
Un déploiement similaire à Portland, autre ville dirigée par les démocrates, dans l’Etat de l’Oregon, a été provisoirement bloqué ce week-end par la justice. Des affrontements localisés et limités ont eu lieu dans chacune des deux villes entre des manifestants et les forces de l’ordre, mais ni Chicago ni Portland n’étaient lundi en proie à des émeutes généralisées.