Pratiques commerciales de Shein : une réglementation lacunaire

Les pratiques commerciales de Shein n’ont-elles donc pas de limites ? La plateforme chinoise de vente sur Internet, qui inonde la planète avec des vêtements de piètre qualité mais à des prix que personne ne peut égaler, était déjà accusée de concurrence déloyale tout en recourant à des modes de production polluants et peu soucieux de conditions de travail décentes. La découverte, il y a quelques jours, sur son site, de poupées sexuelles à caractère pédopornographique en vente libre a encore un peu plus entaché sa réputation.

Il a fallu attendre le signalement à la justice, samedi 1er novembre, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour que la plateforme chinoise se décide à réagir. Le groupe a supprimé les annonces promotionnelles concernant ces poupées aux traits d’enfant présentées comme des objets sexuels et a retiré le produit de la vente. Au préalable, le ministre de l’économie, Roland Lescure, avait menacé d’interdire Shein en France, si ce type de comportement se répétait. Le site AliExpress est visé lui aussi par une enquête judiciaire pour les mêmes faits.

Ce rappel à la loi ainsi que la promptitude avec laquelle la plateforme s’est mise en conformité avec la réglementation ne sont toutefois pas parvenus à dissiper le malaise. Cette affaire révèle en effet toute la difficulté pour un pays de se prémunir contre ce type d’infraction particulièrement grave.

En principe, la directive européenne sur l’e-commerce garantit la libre circulation des services numériques au sein de l’Union. Si un site enfreint la loi, la justice peut ordonner aux hébergeurs ou aux fournisseurs d’accès à Internet de bloquer un site ou de le déréférencer. Le problème est que la procédure peut durer plusieurs mois avant de pouvoir faire cesser les dommages causés par un contenu en ligne. Une procédure administrative peut aboutir à un blocage du site plus rapide, mais celui-ci peut être facilement contourné grâce à un réseau privé virtuel (VPN).

Depuis 2022, le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act) encadre de façon plus stricte l’activité des plateformes. Mais, en tant que fournisseur de services, un site d’e-commerce n’a pas à valider les activités des vendeurs qui utilisent son infrastructure. Dans le cas des poupées incriminées, Shein n’est qu’une place de marché, qui permet à d’autres entreprises de commercialiser leurs produits sur la plateforme. Le groupe chinois n’est donc pas tenu d’exercer un contrôle a priori sur ce qui se vend sur son site. En revanche, il a une obligation de diligence a posteriori, quand un problème est signalé.

Cette affaire montre que, tant que les Etats ne seront pas capables d’imposer aux plateformes de faire elles-mêmes le ménage sur leurs contenus, il sera extrêmement difficile de lutter contre ceux qui violent la loi. Comment la DGCCRF peut-elle assumer un rôle de surveillance réellement efficace avec seulement quelques dizaines de fonctionnaires pour faire respecter la réglementation, face à des plateformes qui brassent des milliards de références vendues à des millions de clients. Si celles-ci ne sont pas obligées de vérifier a priori la légalité de ce qu’elles diffusent ou commercialisent, les affaires similaires à celle des poupées distribuées par Shein perdureront. Elles en ont les moyens financiers et techniques. En 2020, Amazon avait également eu un rappel à l’ordre pour le même type de produit, sans faire l’objet d’aucune poursuite pénale.

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