Les romans de Pierre Jourde naissent toujours d’« images obsédantes ». A l’origine de La Marchande d’oublies, qui relate l’histoire d’une fratrie de clowns anglais au XIXe siècle, il y a un souvenir « archaïque » : quand il avait 3 ans, Pierre Jourde voyait chaque nuit un clown effrayant surgir du placard qui faisait face à son lit. Une « hallucination » d’enfance qui se rappelle à lui en 2015, alors qu’il travaille à l’édition, dans « La Pléiade », des romans et nouvelles de Joris-Karl Huysmans (Gallimard, 2019), dont il est spécialiste. Il retombe ainsi sur les pages que l’auteur d’A rebours a consacrées aux Hanlon, véritable famille de clowns anglais très connue au XIXe siècle, dont il décidera plus tard de s’inspirer pour créer les siens, les Helquin.

Autre image prégnante dans la genèse de ce treizième roman, celle de la belle endormie, incarnée par Thalia, benjamine des Helquin tombée en léthargie profonde et exhibée par ses frères dans leur galerie ambulante de monstres de foire. « Adolescent, j’étais fasciné par le film Sleeping Beauty, de James B. Harris [1973], qui déjà mettait en scène une jeune femme endormie exposée dans un cirque », raconte Pierre Jourde au « Monde des livres ». L’auteur sonde ainsi un fantasme que l’on retrouve dans les contes comme La Belle au bois dormant, la peinture – Ophélie, d’Everett Millais (1851-1852) – ou encore chez Proust, dans La Prisonnière, quand le narrateur contemple Albertine dans son sommeil. « La belle endormie est un corps dont on peut disposer, mais sa psyché, elle, demeure inaccessible, c’est ce qui en fait un mythe intéressant », observe le romancier.

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