Estelle Ferrarese, philosophe : « Emmanuel Macron traite l’exercice du pouvoir politique comme la résolution d’un casse-tête »

Le tragique de la situation politique actuelle ne se situe ni dans le cynisme dont font preuve ministrables et non-ministrables, ni dans les ambitions personnelles déraisonnablement évidentes. Il n’est pas davantage perceptible dans les querelles dignes d’une cour de récréation qui visent à identifier le vrai responsable, ou dans la médiocrité du personnel politique. La démocratie n’est pas, ou ne devrait pas, être affaire d’individus exceptionnels. Le problème est que la situation politique consomme une double crise : celle de la critique et celle de la rationalité, qui marque le naufrage de la modernité.

Il y a soixante ans, le philosophe allemand Jürgen Habermas définissait l’espace public comme un lieu de critique et de confrontation des arguments au sein d’une communauté politique rêvé par les Lumières. S’il établissait l’archéologie de cette idée au XVIIIe siècle, c’était pour montrer qu’elle avait immédiatement été pervertie par la logique de la concurrence d’intérêts, que la critique avait laissé la place à la réception passive de slogans et de messages publicitaires, tandis qu’au sein des institutions politiques, les marchandages se substituaient à la discussion. Reste qu’il identifiait ce que l’on pourrait nommer un « spectre », qui a continué de hanter les démocraties libérales jusqu’à récemment, et qui recueillait une partie des promesses – jamais remplies, mais promesses tout de même – d’émancipation individuelle et collective de la modernité.

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