Hors-série. Gaza, Ukraine, Taïwan, Groenland, etc. La liste des théâtres de guerres et de tensions ne cesse de s’allonger. Et si chacun présente des spécificités, tous annoncent le retour d’une rhétorique impériale. Sous le couvert d’un néonationalisme qui prend des allures de projections au-delà des frontières étatiques, la compétition entre puissances – classiques ou nouvelles, comme les Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) – s’exerce dans un monde en transition écologique, technologique et géopolitique. Un monde où l’Occident est contesté par le Sud global, et où les géants du numérique, aux côtés d’autres multinationales, grignotent la souveraineté des Etats tout en rêvant d’un univers de réseaux sans limites, ni contraintes.
Car il s’agit bien d’une résurgence des ambitions impériales à laquelle nous assistons. Et si, comme l’écrivait l’historien Jean-Baptiste Duroselle, tous les empires finissent par périr, ils laissent néanmoins dans la mémoire de leurs héritiers le souvenir intact de la domination et de la puissance. Un souvenir tenace qui, s’il ne prend plus la forme institutionnelle d’autrefois – il n’existe plus, à cette heure, d’empire sur la grille des Etats –, continue de marquer les pratiques et les imaginaires, sinon des élites, du moins des gouvernants. Ces derniers persistent à penser le monde en matière de rapport de force et de grandeur. Et à l’heure où l’architecture de la paix internationale voit ses fondations ébranlées par des leaders nostalgiques de leur prestige passé ou avides de redessiner l’ordre mondial selon leurs propres intérêts, le retour du « logiciel impérial » intrigue tout comme il inquiète.
Pour mieux appréhender les défis géostratégiques actuels, Le Monde propose un atlas de 40 cartes des nouveaux empires et de ses empereurs : l’Amérique de Donald Trump, le tandem Vladimir Poutine-Xi Jinping, l’influence des puissances montantes comme l’Inde, l’Europe bousculée et les enjeux des marges et des flux dans le monde. Ce découpage en cinq cahiers met notamment en évidence le retour de la question du territoire dans les relations internationales et la lutte pour le contrôle des richesses naturelles et des grands axes de communication. Chacune de ces cinq parties s’ouvre par un entretien avec un expert ou un chercheur spécialiste de la question. L’ensemble du numéro commence par un long échange avec l’historien des empires, le médiéviste Gabriel Martinez-Gros pour qui « l’heure est impériale ! »
Le service Infographie du Monde a pris soin de remettre aux lecteurs, dans les moindres détails, l’ensemble des clés de lecture nécessaires pour mieux anticiper les enjeux de puissance des décennies à venir, au cœur de ce XXIe siècle. Car, c’est bien connu, la meilleure façon de pointer ces logiques de domination, c’est de commencer par comprendre le monde tel que les puissants se le représentent. Autrement dit, à chacun et à chacune de s’emparer de ces cartes stratégiques qui dessinent les contours du nouveau temps impérial, pour mieux décrypter les cartes mentales des nouveaux empereurs.