Et si Thémis, la déesse de la justice, engageait un dialogue avec Clio, la muse de l’histoire… C’est avec ce fil rouge que les auteurs d’Histoire du droit du travail par les textes (Economica, 756 pages, 89 euros) ont conçu leur ouvrage, qui rassemble 55 textes majeurs. Avec, pour chacun d’entre eux, une même ambition : offrir une analyse et une mise en perspective qui s’appuient sur des dynamiques de long terme.
Sous la direction de Paul-Henri Antonmattei, professeur de droit du travail, d’Alain Chatriot, professeur d’histoire, de Laurence Pécaut-Rivolier, conseillère à la Cour de cassation, et d’Yves Struillou, ancien membre du Conseil d’Etat et ex-directeur général du travail, 41 auteurs ont décortiqué des textes aux thématiques aussi variées que le travail des enfants au XIXe siècle, les grandes lois du Front populaire, la santé au travail, etc. A charge pour eux de les replacer dans « l’esprit du temps », mais aussi, parfois, de les aborder à la lumière des recherches récentes.
La force de l’ouvrage réside dans cette contextualisation éclairante. On comprend, par exemple, quels ressorts ont conduit à l’instauration du smic, en 1970. S’il a été porté par la volonté de « cantonn[er les] inégalités salariales », il s’inscrit plus largement dans « l’histoire mouvementée des décennies 1950 et 1960, et sa spectaculaire culmination en mai 1968 ». Les autorités avaient compris, après les événements de mai, que dans une « société en pleine croissance » elles devraient « répondre aux besoins nouveaux exprimés par une partie des couches sociales les plus modestes ».
L’ouvrage revient aussi sur les multiples influences qui ont été à la source de certains textes. On suit la lente maturation des esprits vers la loi de 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise, notamment le droit d’expression. Elle permettra progressivement de purger les règlements intérieurs de leurs clauses illicites.