Venue au monde à Palerme et morte à Rome, où elle fut députée du Parti communiste italien, la grande écrivaine Natalia Ginzburg (1916-1991) était, en fait, turinoise. Née Levi, elle était issue d’une famille juive par son père, professeur de médecine. Elle a raconté son enfance et sa jeunesse à Turin dans Les Mots de la tribu (Grasset, 1966), prix Strega 1963, dont le beau titre original est Lessico famigliare (« lexique familial »). Partir sur les traces de cette romancière de l’intime, à la voix prenante, c’est retourner dans le quartier de San Salvario, où sa famille vivait.
Entre la gare de Porta Nuova (d’où furent déportés les juifs italiens depuis le quai 17) et le parc du Valentino qui longe le fleuve Pô, c’est aujourd’hui un quartier gentrifié, mais pas trop. Comme ailleurs dans la ville, le plan est en damier : on se perd aisément dans cette organisation rationnelle qui trouble le voyageur habitué à se repérer dans la forme changeante des rues.
Au numéro 11 de la via Oddino-Morgari (autrefois via Pallamaglio), une plaque rappelle qu’ici vécut Natalia Ginzburg. « [L’appartement] était au dernier étage, et il donnait sur une place où trônaient une vilaine église, une usine de vernis et un établissement de bains publics ; or, ma mère ne trouvait rien de plus triste que de voir, de ses fenêtres, les gens entrer aux bains publics avec une serviette sous le bras », écrit-elle.