Un air de défaitisme semble flotter sur la cause ukrainienne. La précarité des positions à Pokrovsk, la fin de l’aide américaine et les pressions diplomatiques autour d’un prétendu « plan de paix » négocié sans l’Ukraine ni ses alliés européens alimentent le récit russe d’une résistance vouée à l’échec. Selon ce discours ambiant, l’Ukraine serait à bout de force, l’Europe résignée et Washington prêt à solder le conflit, en entérinant non seulement les annexions illégales de la Russie, mais en ouvrant la voie à une sphère d’influence de celle-ci dont nul ne sait jusqu’où elle pourrait porter.
Cette vision est trompeuse. Si nul ne nie la difficulté de la période, l’Ukraine est bien loin de la défaite. Depuis près de quatre ans, elle absorbe un choc qu’aucune démocratie européenne n’a eu à affronter au XXI? siècle. Et pourtant, elle tient. Dans le Donbass, la Russie perd chaque mois de 20 000 à 25 000 soldats, pour des gains territoriaux minimes. La petite ville de Pokrovsk, dont l’état-major russe pensait s’emparer il y a plus d’un an, n’a toujours pas cédé. Derrière la solidité du front, se trouve celle des arrières : en 2025, l’Ukraine aura produit plusieurs millions de drones, pour certains équipés d’algorithmes d’intelligence artificielle, développé des systèmes innovants de guerre électronique, de défense antimissile et de frappe dans la profondeur.
Cette endurance n’est pas un miracle, mais une architecture nationale : continuité des services publics, reconstruction immédiate, distribution et équilibrage du réseau électrique, le tout sur fond de structures de mobilisation civique au profit des combattants comme des civils. La lutte contre la corruption, à l’origine même des révolutions de 2004 et de 2014, demeure l’idéal d’une société civile qui continue de se mobiliser contre un fléau hérité des décombres du soviétisme. Jamais les manifestations de l’été ni les limogeages de l’automne – fruit des mécanismes de lutte anticorruption nés d’Euromaïdan – n’ont ébranlé la volonté de combattre pour l’indépendance. Elles l’ont au contraire renforcée, traçant clairement le chemin vers l’objectif ultime derrière la résistance à l’agression : l’émergence d’une démocratie européenne.