D’ordinaire à la verticale, des échantillons de tapisseries d’Aubusson prennent la tangente. Revisitées par le label Pierre Augustin Rose, ces tentures murales inscrites au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco depuis 2009, s’apprêtent à tenir salon dans plusieurs penthouses new-yorkais.
Pierre Bénard, Augustin Deleuze et Nina Rose, les fondateurs du label de mobilier contemporain créé en 2018, viennent de recouvrir de ces panneaux spectaculaires une vingtaine de sièges proposés à la vente dans la galerie qu’ils ont fraîchement inaugurée à Soho, au sud de Manhattan. Une manière de « faire rayonner le savoir-faire français », ainsi qu’ils l’expliquent d’une même voix.
Cette collection de pièces uniques, baptisée « Aubusson Collector », a tout pour attirer l’attention de la clientèle américaine, amatrice de récits et d’objets emblématiques du patrimoine.
Car les anciens antiquaires du marché aux puces de Paul Bert - Serpette, à Saint-Ouen, ont renoué avec leur passion première, avant de dessiner des canapés galbés et des fauteuils parcheminés : chiner. Enchères, puces, foires, brocantes, marchands spécialisés… les trois associés ont récupéré des fragments de tissus abîmés, en ont prélevé les zones « les plus fraîches », précise Augustin Deleuze, pour les appliquer ensuite sur quelques-uns de leurs fauteuils.
Rien de révolutionnaire ni d’irrévérencieux, « au XIXe siècle, retapisser des sièges plus anciens avec des morceaux de tentures murales de la même époque se faisait déjà », ajoute le designer et antiquaire. Aussi pragmatique, leur démarche est juste plus anachronique. Le trio s’est concentré sur des tapisseries datées du XVIIIe siècle : des modèles présentant de la verdure, parfois un peu d’architecture ou d’animaux au loin, d’autres avec des scènes historiques ou mythologiques, des batailles et autres extraits de l’histoire de France – « les plus classiques, nos préférées ».
Les designers de Pierre Augustin Rose ont ensuite veillé à placer ces reliques textiles sur les dossiers, les côtés ou les accoudoirs de fauteuils, sofas, chaises et confidents – plus rarement sur l’assise, par précaution. Les autres parties sont revêtues de velours de mohair, pour adoucir la rigueur de la laine cardée.
Mais Pierre Bénard, Augustin Deleuze et Nina Rose assument le fait que ces pièces d’exception, ainsi tapissées, se prêtent davantage à la contemplation qu’à un usage classique. « Ce sont presque des œuvres d’art, mieux vaut les regarder que les mettre à l’épreuve », glisse Augustin Deleuze. En filigrane, l’entreprise fait ici la démonstration d’une certaine idée du réemploi, portée par la volonté de donner une seconde vie à des textiles trop endommagés pour rester au mur mais trop précieux pour disparaître à jamais.