Tour de France 2024 : vitesse, position… Une Grande Boucle hyperconnectée


 Tour de France 2024 : vitesse, position… Une Grande Boucle hyperconnectée

Après une semaine très intense, terminée par une montée de stress sur les chemins blancs champenois, dimanche, et la victoire d’Anthony Turgis (TotalEnergies) – la troisième pour les Français cette année –, le peloton avait bien mérité, le lundi 8 juillet, sa journée de repos. Et son droit à la déconnexion, serait-on tenté d’ajouter, tant les vaillants coursiers sont aujourd’hui pistés, reliés, mesurés, analysés – acteurs d’un Tour de France de plus en plus connecté.

Depuis bientôt dix ans, Amaury Sport Organisation (ASO), la société organisatrice du Tour, s’est associée avec le groupe japonais NTT pour géolocaliser ses coureurs et « remonter » de très nombreuses données. Tous les champions sont donc équipés, sous leur selle, de capteurs de moins de 100 grammes qui transmettent à chaque seconde leur vitesse, leur position précise et bien d’autres informations. « Nous réalisons une moyenne de 3 millions de relevés par étape », assure ainsi Nicolas Méchin, vice-président chez le géant nippon.

« Nous ne pouvions pas rester à la traîne de sports comme le football, le basket et le rugby, déjà engagés dans cette évolution, mais nous voulions aussi éviter de noyer le grand public sous toutes ces données », prolonge Pascal Queirel, directeur de systèmes d’information chez ASO. Aussi, toutes les données récoltées ne sont pas rendues publiques sur les mêmes canaux : « Nous diffusons des informations différentes à la télévision et sur le numérique – réseaux sociaux et applications. Ce qui nous permet de toucher un public très large. »

La diffusion de données brutes, sans commentaires est aussi un moyen, avec le développement des vidéos, de faire vivre la course sur les réseaux sociaux, en plein boom ces dernières années, observe Nicolas Méchin. Elles permettent même aux amateurs de cyclisme de vivre le Tour de France comme ils prendraient les commandes d’un jeu vidéo, en composant leur propre équipe, en se glissant dans la peau d’un directeur sportif, etc. Grâce au développement de ces nouvelles façons de regarder le Tour, les audiences en ligne ont augmenté de plus de 70 % en 2023 par rapport à 2022.

Cette logique a abouti à la création d’un « jumeau numérique » du Tour, au fil duquel les internautes peuvent positionner les coureurs, les voitures, intégrer des paramètres comme la météo, ou proposer une simulation des étapes. « Pour l’instant, nous fournissons ce programme à l’organisation du Tour comme aux équipes, afin qu’elles puissent mieux appréhender l’environnement de la course, et donc mieux la préparer », précise Nicolas Méchin.

Demain, l’expérience se voudra toujours plus immersive aussi pour le grand public. Dernières évolutions ? « Aujourd’hui, nous tentons de récupérer le signal vidéo de chacun des coureurs, mais aussi de capter le son à l’intérieur du peloton, ce qui reste compliqué », reconnaît Pascal Queirel. L’intelligence artificielle joue aussi son rôle, afin de multiplier les langues de diffusion et assurer une traduction en temps réel, mais aussi pour développer des fonctionnalités plus élaborées : deviner l’issue d’une étape, par exemple, en fonction des coureurs engagés dans une échappée.

Pourtant, à force de décrypter la course à tous ses étages, voire de la virtualiser, n’est-ce pas la magie du Tour qui peut disparaître ? « L’expérience derrière les écrans et le spectacle en bord de route sont deux choses vraiment différentes, et la première n’empêche pas le public de venir vivre le second, relativise Pascal Queirel. Nous essayons aussi de prendre du recul, et de nous interroger sur la pertinence de telle ou telle donnée produite, de nous assurer qu’elle est bien adaptée et apporte vraiment quelque chose. Nous cherchons avant tout à élargir la perception, c’est tout. »

Un autre effet pervers de la donnée tous azimuts réside dans les interprétations qu’elle permet. La vitesse pour monter les cols, la puissance développée par les coureurs sont auscultées et alimentent souvent de nombreuses questions et doutes sur les performances toujours en hausse des coureurs. Un risque que Nicolas Méchin balaie de la main : « La transparence, c’est le sens de l’histoire, affirme-t-il. Le vélo, dont la réputation a beaucoup souffert, a au contraire tout à gagner à s’exposer ainsi. »

----

La localisation des coureurs est aujourd’hui la seule donnée transmise en temps réel dans les voitures des directeurs sportifs durant la course. L’Union cycliste internationale (UCI) s’oppose notamment à la transmission des données physiologiques que mesure chaque coureur. La collecte exigerait, de toute façon, une analyse en temps réel, une décision tout aussi rapide ainsi qu’une transmission des ordres au coureur à la même vitesse afin d’avoir une influence sur les stratégies des uns et des autres.

« Les données individuelles servent entre les étapes, aux médecins notamment, pour travailler sur la récupération, la nutrition, etc., explique Julien Pinot, directeur du pôle entraînement de l’équipe Groupama-FDJ. Mais pendant la course, le coureur n’est pas une Formule 1 dont on peut régler le moteur à distance. C’est un cerveau, qui obéit à ses émotions et à ses sensations. Notre discipline conservera toujours ce facteur humain, et c’est heureux. »

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario