« Tu me l’as dit 500 fois, je crois que je commence à le savoir. » Ma fille a raison. Cela fait désormais vingt ans que je lui répète, avec obstination, que Madonna a fait une chute de cheval peu avant le tournage du clip de Hung Up (2005), sa chanson hommage au disco et à John Travolta. La première fois que je le lui ai dit, elle avait 5 ans. Cet accident peut donc tenir lieu de fil conducteur éducatif et maternel.

Nous n’avons pas ici l’espace pour passer en revue les divers styles et périodes de la chanteuse. La référence à la Madone suffit peut-être à donner une idée, pour les plus profanes, des thèmes et variations qui alimentent sa carrière, notamment dans la veine érotico-religieuse.

En ce qui me concerne, cette chute de cheval marque une rupture. J’ai éprouvé une indifférence quasi totale pour la star pendant les vingt premières années de sa carrière. Puis il y eut le monde d’après la chute : elle est devenue dès lors une icône, une étoile courageuse, forte, sans entraves. Je ne suis pas certaine de vraiment apprécier sa musique, mais j’aime Madonna.

La chute de cheval, donc. Hautement symbolique. Le jour de ses 47 ans, dans son domaine en Angleterre, Madonna se promenait avec un cheval qu’elle n’avait jamais monté. Elle tomba, se cassa la clavicule, trois côtes et la main gauche. Un mois après, dans son justaucorps rose désormais légendaire, elle tourna, sous la direction de Johan Renck, le clip de Hung Up. Le réalisateur la définit ainsi : « Elle était comme un soldat. »

Si elle était tombée dans l’escalier, je ne pense pas que j’aurais été autant marquée par son courage artistique (sa résilience, dirait-on aujourd’hui). Mais la chute de cheval, c’est le chevalier vaincu, le roi déshonoré, c’est le jeune homme humilié (Lucien Leuwen). C’est Ivanhoé, Don Quichotte et tant d’autres. C’est Montaigne, aussi. Surtout, dans le cas qui nous occupe, c’est Paul de Tarse, tel qu’il est représenté par les peintres, tombant de sa monture, sur le chemin de Damas, aveuglé par la révélation divine.