Au fond, on s’en moque pas mal qu’Emmanuel Carrère dise ou non la vérité. Depuis toujours il jure que c’est le cas, se présente comme un « écrivain documentaire », martèle que bonne littérature ne saurait mentir… Il en fait toute une histoire et pourtant cela importe peu. En tout cas pour nous, lecteurs. Du point de vue de son entourage, c’est autre chose, il y a de la blessure dans l’air. Mais on aimerait ses livres même si tout y était faux, cela fait belle lurette qu’on s’identifie éperdument non pas à Carrère mais au personnage qui dit « je » dans ses textes, et tant pis si ce « je » n’est pas complètement lui. Tout ce qu’on lui demande, c’est de continuer à nous émouvoir, à nous faire rire et pleurer, à nous happer. Ce personnage-là nous concerne personnellement, nous attendons la suite, qu’il nous raconte encore sa vie, son angoisse de la mort, ses amours mal barrées, sa difficulté d’écrire.

La mort, l’amour, l’écriture, ces trois motifs s’entremêlent à nouveau dans Kolkhoze. Revenant sur la disparition de sa mère, la célèbre historienne de la Russie et secrétaire perpétuelle de l’Académie française Hélène Carrère d’Encausse (1929-2023), avec laquelle les relations n’ont jamais été faciles, le narrateur part à la recherche de l’amour qui a pu les lier, malgré tout ; il se demande à quel point ce lien a orienté son œuvre d’écrivain, ou plutôt l’a désorientée, offerte à la mélancolie chancelante, à la clairvoyance déprimée, bref à tout ce que nous aimons chez lui et prenons plaisir à retrouver, livre après livre.

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