Sur les plateaux de la vallée du Jourdain qui surplombent la mer Morte, Shilat Brown imagine la maison qu’elle s’apprête à construire. « Elle sera grande, avec une vue panoramique sur le désert », rêve la décoratrice d’intérieur aux longs cheveux poivre et sel, assise sur un canapé d’extérieur. Son mari, Eitan, verre de gin tonic pêche à la main, joue avec leurs deux enfants et ceux de leurs voisins, dans la piscine gonflable installée derrière une coquette clôture en bambou.
Le couple de trentenaires vit sur ce bout de carte, entre la route 90 et la frontière jordanienne, à 5 kilomètres à l’est. Leur préfabriqué repose sur de maigres pilotis, comme ceux des 60 familles qui occupent en enfilade le terrain de poussière. Et, pour l’heure, la vue qui s’offre à Shilat Brown, en tête de rangée, est celle d’un désert obstrué par le portail de sécurité et un grillage qui ceinture l’installation sauvage.
Personne ici ne détient de permis de construire. Kedem Arava est un avant-poste illégal, une colonie établie sans l’autorisation du gouvernement, en Cisjordanie occupée. Au regard du droit international, toutes les colonies israéliennes de peuplement sans distinction sont considérées comme illégales.