Sud global : Trump fait le jeu de la Chine

La dynamique enclenchée sur la scène internationale par la politique du président Donald Trump sur les droits de douane pourrait-elle se retourner contre lui ? Un peu moins de cinq mois après sa proclamation du « jour de la libération », le 2 avril, supposé affranchir les Etats-Unis des injustices que lui auraient imposées des déséquilibres commerciaux avec le monde entier, l’opération apparaît comme largement contre-productive sur le plan politique pour Washington.

Ce retour de bâton est particulièrement évident dans les pays dits « du Sud global », touchés par des hausses de droits de douane dont les montants ont été évalués de façon arbitraire et qui, en réaction, ont tendance à resserrer les liens avec la Chine. Deux grands pays du Sud, notamment, l’Inde et le Brésil, se rebiffent contre le diktat de Washington en se tournant vers Pékin, qui est par ailleurs leur partenaire au sein des BRICS (organisation non occidentale dont l’acronyme correspond aux initiales des Etats membres d’origine, Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).

L’Inde, en particulier, à laquelle l’administration Trump a imposé des droits de douane de 50 % en guise de sanction pour la pousser à cesser ses importations de pétrole russe, est en train d’opérer un important rapprochement avec la Chine. Mardi 19 août, le chef de la diplomatie chinoise, Wang Yi, a été reçu à New Delhi par le premier ministre Narendra Modi, qui doit à son tour rencontrer le président Xi Jinping fin août en Chine, à l’occasion d’un sommet de l’Organisation de coopération de Shanghaï, autre institution multilatérale créée en dehors des mécanismes occidentaux. Le ministre chinois s’est félicité de cette « occasion importante d’améliorer et d’intensifier les relations » entre les deux géants asiatiques, dont le conflit frontalier s’est stabilisé.

L’ambassadeur de Chine en Inde, Xu Feihong, est allé plus loin, déclarant jeudi que la Chine est « fermement opposée » aux droits de douane imposés par Washington à l’Inde et affirmant la solidarité de Pékin, qui « défend le système multilatéral ». « Le silence ne fait que renforcer l’intimidation », a-t-il ajouté. La situation est d’autant plus inconfortable pour New Delhi que M. Trump a en revanche donné un nouveau sursis de quatre-vingt-dix jours à Pékin, bien que la Chine soit le premier importateur de pétrole russe, avant l’Inde.

Signe de la détermination de M. Modi à jouer toutes ses cartes dans cette dégradation spectaculaire de ses relations avec M. Trump, il a aussi envoyé son ministre des affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar, à Moscou, où il a été reçu par le président Poutine.

Tapis rouge pour Poutine en Alaska, sanctions pour l’Inde et indulgence pour la Chine : la manière inattendue dont le président Trump fait usage de sa boîte à outils déroute les pays du Sud. Il a infligé au Brésil des droits de douane de 50 % pour faire pression sur le traitement judiciaire de l’ex-président d’extrême droite Jair Bolsonaro. Le président Luiz Inacio Lula da Silva a riposté en appelant Modi et Poutine et en affichant son unité de vue avec le président chinois lors d’un entretien téléphonique d’une heure, le 11 août.

Pékin a ensuite vanté des relations sino-brésiliennes « au plus haut », exemplaires pour le Sud global, appelé par le président Xi à « s’unir contre l’unilatéralisme et le protectionnisme ». Trump, qui prétend vouloir limiter l’influence mondiale de la Chine, est en réalité en train de la favoriser par une politique extérieure erratique.

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