A eux trois, les frères Masson forment un archipel familial qu’on pourrait nommer « les îles Coléreuses ». Mauriciens de souche, on aura peine, leurs vies durant, à les surprendre en pleine sieste. L’aîné, Loys (1915-1969), donnera de la plume et du poing sous l’Occupation comme résistant-poète, tentant de concilier, après-guerre, la faucille et le chapelet, Marx et Marie. En vain. On lui doit notamment Les Tortues (1956 ; L’Arbre vengeur, 2021), roman maritime, dérivant et hanté. Le second, Hervé (1919-1990), peintre, tanguera entre ésotérisme et gauchisme.
Mais c’est le cadet qui, pour l’heure, nous hèle : André (1921-1987). Du trio, c’est celui qui est resté au pays. Séminariste de passage, le temps d’y ruminer Léon Bloy et les grands mystiques, il optera, à 27 ans, pour le journalisme et la littérature, laissant notamment trois romans chez Calmann-Lévy, dont ce véhément coup de boutoir titré, à la suite de L’Ecclésiaste, Un temps pour mourir (1962). Si Maurice, comme ses consœurs alentour, est régulièrement shampooinée par le cyclone, le passage de Carole, en février 1960, a scalpé l’île : rafales à 280 kilomètres heures, maisons en poussière, sans-abri par milliers, 42 morts. Ajoutons que le cyclone est la matrice du roman d’André Masson, qui tient le pari d’étreindre dans un même roman la tempête intérieure et l’apocalypse météorologique.