Ce n’est pas un livre de plus que fait paraître aujourd’hui Régis Jauffret, dont on sait la bibliographie abondante, riche de près d’une trentaine de titres. Maman, qu’il consacre à sa génitrice, morte en 2020 à l’âge de 106 ans, est un horizon enfin rejoint, comme l’œuvre en patience de (presque) toute une vie. Lui-même l’explicite, qui s’était toujours méfié des récits trop intimes, même s’il a déjà raconté dans Papa (Seuil, 2020) l’histoire de son père arrêté par la Gestapo : « Un des buts de ma vie d’écrivain fut de ne pas parler de maman. C’est sans doute pour cette raison que j’ai le plus grand mal à écrire autre chose que des fictions. Afin d’éviter de l’effleurer, j’ai fait profession d’être un simple raconteur d’histoires. Je n’ai abordé l’autobiographie que dans ce tardif Papa, symboliquement paru le matin de la mort de Mado. »
Sa mère s’appelle Madeleine, et il l’appelle donc Mado, Magdalena, Madona ou « Madelon chérie », dans une frénésie verbale assez irrésistible, où il assume et se moque à la fois de sa passion pour une femme dont il note, plaisamment, qu’elle a peut-être enfanté un monstre, c’est-à-dire un écrivain. Ainsi remarque-t-il, lorsqu’il retrouve l’appartement maternel à Marseille, que ses portraits y tiennent toujours beaucoup de place : « Partout, pendues au mur, de grandes photos de moi. Une sorte de culte de la personnalité. Il me semble être Staline, Mao Zedong, Hitler peut-être, sur un vieux cliché où je porte une frange qui rappelle la sienne. » On pense alors au roman précédent de Jauffret, Dans le ventre de Klara (Récamier, 2022), qui évoquait justement… la mère d’Adolf Hitler.