Exercice difficile que celui de définir son style. Soizic Fougeront et Laure Gravier, fondatrices de l’agence d’architecture d’intérieur Claves, s’en sortent par une élégante pirouette : « Disons que nous avons le goût de l’ornement, de la peinture décorative et des années 1930 et 1940, mais aussi celui de la fantaisie et du décor de cinéma. »
Les deux associées trentenaires se sont rencontrées dans les bureaux du décorateur et designer français Pierre Yovanovitch. Diplômée de l’école Camondo, dessinant des objets depuis l’enfance, Laure Gravier s’y est occupée de la ligne de mobilier pendant sept ans. Passée par Sciences Po Bordeaux et après une première vie de consultante, Soizic Fougeront y était chargée du développement. En 2022, elles quittent leur poste pour fonder leur propre agence, qu’elles baptisent « Claves », version latine de clé : « La clé qu’on nous confie au début d’un chantier, mais aussi la clé qui a toujours été un exercice de style chez les artisans d’art, la clé du secret… »
Après une première maison privée dans le 20e arrondissement, le tandem vient d’achever son dernier projet dans une rue en pente adossée à Montmartre : la Villa Junot, 710 mètres carrés remis à jour, du spa au rooftop, pour l’enseigne Iconic House, spécialiste de la location de maisons d’exception. « Nous cherchons toujours à donner une narration à nos décors : dans cette villa construite dans l’entre-deux-guerres pour un compositeur d’opérettes, il y avait tout à refaire mais aussi une très belle trame Art déco, comme les rambardes aux motifs de clé de fa, qui nous a servi à tirer un fil autour de la musique et du surréalisme. »
Plafonds en staff, détails à la feuille d’or, vitraux de style viennois, têtes de lit en bois exotique… leur vocabulaire, servi par des artisans d’art, est parsemé de références. « Mais jamais littérales », insiste Laure Gravier, qui aime les détournements théâtraux, poser un drapé en plâtre sur une cheminée de maître par exemple, ou une fresque en trompe-l’œil dans l’escalier.
Au Cornichon, restaurant parisien rhabillé par le duo avec les codes d’un « bistrot PMU où l’on mange bien », le sol en mosaïque et les banquettes en velours semblent être là depuis les années 1950, chamboulées par des frises et des bandes chromées.
« On aime quand on nous demande si une colonnade, ou une corniche, est d’époque ou pas. En fait, c’est quasiment le meilleur compliment que l’on puisse nous faire : cela veut dire qu’on a compris le lieu ! », dit Soizic Fougeront. A la rentrée, le binôme présentera son dernier décor, là aussi pour Iconic House : les intérieurs d’un chalet de l’architecte Henry Jacques Le Même à Megève, bâtisseur historique de la station alpine, « parfait mélange de rationalité et de raffinement décoratif ».