Après une étape très agitée autour de Bilbao la veille, marquée par le gel des temps à la suite d’incidents avec des manifestants propalestiniens, les coureurs de la Vuelta ont repris la route jeudi 4 septembre pour une étape reliant Laredo et Los Corrales de Buelna, en Cantabrie. Son programme de moyenne montagne semblait promis aux grimpeurs et baroudeurs.
Au sortir d’un début de semaine plus qu’agité avec son équipe, le jeune Espagnol Juan Ayuso s’est imposé au sprint. Le coureur de l’équipe UAE Team Emirates-XRG a dompté la Collada de Brenes (1re catégorie, 7 kilomètres à 7,9 %) avant de s’imposer en roublard devant son compatriote Javier Romo (Movistar). « Je savais où lancer le sprint parce que j’avais disputé pas mal de courses en junior ici », a exposé le coureur de 22 ans. Un succès construit au terme d’une journée parfaite pour la formation émirati.
Le décor était posé dès la première ascension, le Puerto de Alisas : plus de quarante hommes ont pris le large, parmi lesquels Juan Ayuso et Marc Soler (UAE Team Emirates-XRG), une forte délégation de coureurs de l’équipe Movistar, Santiago Buitrago (Bahrain Victorious), Mikel Landa (Soudal Quick-Step), et trois Français — Bruno Armirail (Décathlon-AG2R La Mondiale), Julien Bernard (Lidl-Trek) et Brieuc Rolland (Groupama-FDJ). Marc Soler a pris les points au sommet, validant la présence de l’équipe UAE dans l’échappée. Derrière, le peloton mené par la formation Visma-Lease a Bike s’est rapidement désintéressé de l’étape, laissant filer l’échappée qui ne menaçait guère leur maillot rouge, Jonas Vingegaard.
À l’avant, le maillot vert, Mads Pedersen (Lidl-Trek), a mené sa mission avec précision dans une étape que le relief promettait aux grimpeurs : victorieux du sprint intermédiaire de Barros (au kilomètre 103,2), le Danois a engrangé 20 points et a verrouillé son maillot de sprinteur. Movistar, avec cinq hommes dans l’échappée, a animé la partie centrale : relais insistants, attaques répétées d’Ivan Garcia Cortina, puis offensive collective à l’approche de la Collada de Brenes.
C’est là, dans la rampe à 8 %, que la course s’est décidée. Marc Soler a accéléré et a imprimé une forte cadence pour lancer son équipier Juan Ayuso à 3,5 kilomètres du sommet. L’Espagnol s’est envolé, et seul Javier Romo (Movistar) a réussi à le suivre. Refusant quelques relais à son compatriote à 1 kilomètre de l’arrivée, Juan Ayuso a ensuite pris l’avantage au sprint, décrochant une deuxième victoire sur cette Vuelta, après celle de Cerler (7e étape, le 29 août). « J’ai un petit peu joué dans le final. Il faut parfois jouer plus finement les choses », a reconnu le vainqueur, ayant constaté la fébrilité de son adversaire. Le Français Brieuc Rolland (Groupama-FDJ) complète le podium du jour, à 13 secondes.
Ce succès prend une résonance particulière dans le contexte brûlant qui entoure Juan Ayuso. Deux jours plus tôt, son équipe UAE Team Emirates-XRG a officialisé son départ en fin de saison, contre l’accord tacite conclu selon le coureur d’attendre la fin de la Vuelta pour l’annoncer. Mis devant le fait accompli, le jeune coureur s’était dit « contrarié », dénonçant une décision « unilatérale » prise « pour nuire à [son] image ».
Il avait également évoqué des tensions internes, alimentées par les déclarations du Portugais Joao Almeida après la 9? étape. Le leader de l’équipe (2e au classement général) avait exprimé incompréhension et mécontentement à l’issue de cette journée qu’il avait terminée esseulé. Depuis, les deux hommes se sont réconciliés, mais Juan Ayuso n’a pas caché son amertume vis-à-vis de sa direction, évoquant une « dictature ». A défaut d’unité d’équipe, reste que sa victoire apporte à UAE un cinquième succès sur ce Tour d’Espagne – deux pour Juan Ayuso, deux pour le grimpeur Jay Vine, et le contre-la-montre par équipes –, dont le classement général n’a pas évolué, jeudi. La hiérarchie pourrait en revanche bien être bousculée, vendredi, le redoutable Angliru (12,4 kilomètres à 9,7 %) se dressant devant les coureurs de la Vuelta, dans les Asturies.