Après le 20 heures de TF1, puis les quatre chaînes d’information en continu, François Bayrou poursuit sa tournée des médias, à cinq jours du vote de confiance à l’Assemblée nationale, dans l’espoir de retourner la situation en sa faveur. Juste avant son probable dernier conseil des ministres à l’Elysée, le premier ministre, s’est dit, mercredi 3 septembre sur BFM-TV et RMC, « prêt à discuter avec [les socialistes] sur tout, y compris sur le travail ». Et de tendre la main « à toutes les forces politiques et à tous les représentants du peuple qui sont parlementaires en disant : “Nous avons à construire l’avenir ensemble.” »
Concernant la suppression de deux jours fériés, M. Bayrou s’est redit « prêt à examiner toute solution » autre, sans toutefois assurer qu’il renoncera à cette mesure. Sur la volonté de restreindre les soins pris en charge par l’aide médicale d’Etat pour les étrangers sans papiers, le premier ministre a défendu une « mesure de bon sens ».
Se disant « réaliste » mais refusant d’être « défaitiste », il a de nouveau appelé les députés à le maintenir à Matignon, mettant en garde contre « l’instabilité ». « Si vous êtes représentant du peuple, comme c’est la vocation d’un député (…) alors vous devez vous demander où est l’intérêt national. Est-ce que oui ou non cette situation dans le monde (…) est grave et urgente ? Ma réponse, elle est grave et urgente », a-t-il assuré.
S’il n’obtenait pas le vote de confiance, François Bayrou ne « croi[t] pas » que la dissolution « apporterait plus de clarté », soulignant toutefois que cette décision appartient au président de la République. Il a, par ailleurs, refusé d’évoquer une éventuelle candidature à la mairie de Pau en mars 2026.
En fin de matinée, Emmanuel Macron a appelé le gouvernement réuni en conseil des ministres à se mobiliser autour du premier ministre. « Il nous demande, chacun dans nos formations politiques, chacun aussi dans nos sensibilités politiques, de faire acte de mobilisation, de pédagogie », a rapporté la porte-parole du gouvernement Sophie Primas devant la presse. Le chef de l’Etat a prévenu que « quel que soit le vote (…) la situation de la France ne sera[it] pas résolue », ajoutant que « s’affranchir du réel n’était pas responsable pour la suite », a-t-elle déclaré.
L’interview de M. Bayrou a eu lieu au lendemain d’un entretien à l’Elysée entre Emmanuel Macron et les chefs de la coalition gouvernementale ? le premier ministre, Gabriel Attal (Renaissance), Edouard Philippe (Horizons) et Bruno Retailleau (Les Républicains) ?, où le chef de l’Etat leur a enjoint de « travailler avec les socialistes » dans la perspective des discussions budgétaires. Mais pour le premier ministre, la démarche du Parti socialiste n’est pas « très cohérente ». « Est-ce qu’il est logique, cohérent de dire “je vais abattre votre gouvernement et après vous me soutiendrez ?” », s’est-il interrogé au micro de BFM-TV et de RMC.
« Je ne suis pas sûr que ça marche parce qu’il y a un minimum de logique dans la vie. La démarche d’Olivier Faure, dont il ne fait pas mystère qu’il veut devenir premier ministre, (…) me paraît risquée, pas très cohérente et pas très logique », a jugé M. Bayrou, qui doit rencontrer les dirigeants socialistes jeudi à Matignon.
Les socialistes se projettent en effet dans l’après-Bayrou. Après avoir offert samedi les services du PS pour prendre la relève à Matignon, son premier secrétaire, Olivier Faure, a redit mardi soir sur LCI : « Nous sommes à la disposition évidemment du chef de l’Etat à tout moment pour discuter des conditions dans lesquelles nous pourrions effectivement occuper les places gouvernementales ».
Dans un entretien au Financial Times publié mercredi, le ministre de l’économie et des finances, Eric Lombard, estime, lui, que des compromis avec les socialistes sur le budget seront « inévitables » si le vote de confiance fait tomber François Bayrou. Les socialistes proposent notamment de réduire le déficit de 21,7 milliards d’euros en 2026, environ deux fois moins que les 44 milliards mis sur la table par le gouvernement. Ils vont « beaucoup trop loin » dans la réduction de l’effort budgétaire, juge ainsi M. Lombard, sans préciser quel niveau lui semblerait acceptable. « Mais cela laisse une marge de discussion », veut-il toutefois croire.
La ministre des comptes publics, Amélie de Montchalin, a estimé, de son côté, jugé sur la radio Franceinfo qu’il y avait « évidemment plein d’autres manières » que la suppression de deux jours fériés pour « encourager à produire plus » en France. Elle souhaite notamment une répartition élargie des cotisations sociales « sur toutes les richesses », citant le capital, l’épargne, le foncier, l’héritage ou encore la consommation.
En dehors des ministres, les réactions de la classe politique ne sont pas fait attendre après l’interview de M. Bayrou mercredi matin. Le député de l’Essonne, Jérôme Guedj (PS), a estimé sur BFM-TV et RMC que François Bayrou avait « raté le coche ». « Il aurait dû dès le 15 juillet au soir faire la consultation des formations politiques pour constater que ça n’emportait pas une adhésion suffisamment large pour être maintenu », a-t-il jugé.
A droite, Florence Portelli, vice-présidente du parti Les Républicains, a dit sur BFM-TV/RMC ne pas être convaincue. « On a deux kamikazes à la tête de l’Etat », a fustigé cette dernière, dénonçant une « méthode désastreuse ».
Le président du Rassemblement national (RN), Jordan Bardella, a publié sur X une lettre « aux chefs d’entreprise de France », dans laquelle il affirme que son parti « n’a aucune responsabilité dans l’incertitude qui fragilise les entreprises », justifiant ainsi, selon lui, le vote contre la confiance au premier ministre. L’eurodéputé juge, « au contraire », que « par sa lucidité et par la force de ses propositions », le RN « est le garant de la stabilité économique ». Juste avant, Laurent Jacobelli, député RN de Moselle et porte-parole du parti, avait estimé sur BFMTV-RMC que « cette politique [du gouvernement Bayrou] doit cesser ».