« Perfecto ! » Dans la salle d’attente aux murs roses, un trentenaire termine un appel pour la vente de sa maison, son bébé, captivé par la clé de la voiture, sur les genoux. « Je t’ai fait des bisous, moi, ce matin ? », s’attendrit-il. Sur la vingtaine de consultations du jour, il sera l’un des rares papas à accompagner son enfant. « Mais ça change ! Depuis trois, quatre ans, j’en vois plus, depuis l’allongement du congé paternité et le télétravail post-Covid. Ils sont plus impliqués », nuance Gwenaëlle Malgorn, l’une des cinq pédiatres de ce cabinet nantais, situé au milieu de blocs d’immeubles gris, à travers lesquels file le tramway. La médecin de 53 ans, à la voix jeune et aux lunettes rondes, exerce depuis vingt ans à Bellevue, un quartier prioritaire de la ville.
« J’ai tout le panel des patients : des gens en situation de grande précarité aux bobos du centre-ville », assure celle qui a senti le besoin, après une épreuve personnelle, de s’engager davantage. Bénévole pour Médecins du monde, elle rencontre des familles à la rue ou dans des squats, qu’elle oriente « sans intrusion ni jugement » vers des soignants ou des structures. « Cela m’a appris à davantage interroger les gens sur leurs difficultés et leurs conditions de vie, pour offrir des soins plus adaptés », constate la pédiatre, qui essaie de créer « une alliance » avec les parents, par exemple en écoutant leur détresse ou en montrant les bons gestes.
Spécialiste des troubles en néonatalité, elle reçoit ce matin-là plusieurs enfants nés prématurément ou présentant d’importantes difficultés. Titouan (le prénom a été changé), 18 mois, débarque à quatre pattes derrière son père, qui traîne une poussette chargée de sacs. Le blondinet aux yeux bleus, dont les deux parents sont déficients intellectuels, présentait à la naissance un retard psychomoteur, une faiblesse musculaire et « une grosse tête ». Gwenaëlle Malgorn a immédiatement mis en place un suivi en centre spécialisé, avec diagnostic génétique, neurologique et IRM.