Plutôt qu’un premier roman – ce qu’il est bien évidemment – le livre de Reine Bellivier apparaît d’abord comme un geste de confiance dans les pouvoirs de la littérature. La Hideuse prend acte de l’insuffisance du réel pour expliquer la décision – toujours scandaleuse pour ceux qui restent – que prend un être de disparaître. Elle constate l’incapacité des traces matérielles à donner sens à l’absence d’une mère qui a choisi un jour de laisser derrière elle mari et enfants pour vivre une autre vie. Sous la plume de Reine Bellivier, le roman se mue en enquête littéraire, où la narratrice préfère s’en remettre au dialogue de la lecture et de l’écriture pour accéder aux « tremblements de la conscience », aux « pensées qui étayent la journée et [à] celles qui étayent une vie ». Les mots plus que les choses y sont les indices d’un secret que seule la littérature peut espérer dévoiler.

Nourrie par les textes de Pascal Quignard, de Nancy Huston, d’Alice Munro (1931-2024) ou encore par l’ouvrage de la dessinatrice américaine Emil Ferris, Moi, ce que j’aime, c’est les monstres (Monsieur Toussaint Louverture, 2018), la narratrice voit dans les passages qui la saisissent ou l’ébranlent le point d’accès à une vérité qu’elle n’avait encore su se formuler. Une façon de laisser surgir entre les lignes un peu des mystères d’une âme maternelle ayant jalousement préservé ses motivations. « Si rien n’est tangible dans cette histoire, écrit-elle, autant me fier au hasard, aux intuitions. J’ai si peu d’indices que j’ouvre des livres entassés depuis longtemps, presque à l’aveugle, au moment où ils m’attirent. Et ils résonnent comme des réponses à mes questions. » Cette méthode, résume-t-elle, « en vaut bien une autre quand il s’agit d’enquêter sur l’insaisissable ».

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