Dans la région montagneuse des Alpes australiennes, à 300 kilomètres au nord-est de Melbourne, dix policiers arrivent, au matin du mardi 26 août, sur une propriété boisée d’une vingtaine d’hectares. Trois d’entre eux s’avancent vers le domicile de Dezi Freeman, né Desmond Filby, munis de mandats de perquisition pour des infractions sexuelles présumées.
Sans doute, l’homme, vêtu d’un jogging kaki et d’une veste de pluie, les observe-t-il déjà. Il est en tout cas suspecté d’avoir abattu, de sang-froid, deux agents. Un troisième a été gravement blessé. Le père de famille se volatilise ensuite, lourdement armé, dans la forêt environnante qu’il connaît sur le bout des doigts pour y avoir pratiqué différentes techniques de survie.
Commence alors, sans résultat pour l’heure, une gigantesque chasse à l’homme, suivie en direct par tout un pays qui découvre, abasourdi, le portrait de cet autoproclamé « citoyen souverain » et la dangerosité de la mouvance marginale, qui n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis le début de la pandémie de Covid-19.
« J’ai été magistrat de 2001 à 2023. Au cours des dix dernières années, j’ai vu défiler un nombre exponentiel de citoyens souverains, jusqu’à un par semaine. Certains m’ont menacé de mort, d’autres ont émis des mandats d’arrêt à mon encontre devant des tribunaux factices et ont même tenté de m’arrêter », raconte David Heilpern, désormais doyen de la faculté de droit de l’université Southern Cross, dans l’État de Nouvelle-Galles du Sud.