La chute de François Bayrou, à la suite de sa déclaration de politique générale du lundi 8 septembre, était entièrement prévisible. En régime parlementaire, un gouvernement sans majorité est un mort-vivant. François Bayrou n’a fait qu’apposer la date de son choix sur un avis de décès qui aurait pu être rédigé dès que son gouvernement avait été porté sur les fonts baptismaux.
Mais comme, jusqu’ici, ce gouvernement échappait à la censure, c’est comme si nul ne s’y était attendu. La décision du premier ministre d’engager la responsabilité du gouvernement a finalement réussi l’exploit d’être à la fois inévitable et intempestive. Ses ministres n’ont même pas essayé de cacher leur surprise, alors que la déclaration de politique générale doit être, nous dit la Constitution, précédée d’une délibération du conseil des ministres. On voit combien cette exigence est devenue formelle…
Chef isolé d’un gouvernement hétérogène et minoritaire, François Bayrou n’a pas non plus consenti de grands efforts pour tendre la main aux forces d’opposition avec lesquelles des transactions auraient pu être possibles. Comment, dès lors, ne pas faire de parallèle entre cette déclaration suicide de politique générale du 8 septembre et la dissolution, non moins solitaire et autodestructrice, prononcée par Emmanuel Macron en juin 2024 ?
Les deux décisions traduisent une curieuse inversion des rôles. Le président Macron, dès 2017, a voulu être son propre premier ministre, intervenant jusque dans les moindres détails de politique intérieure et extérieure. Le « vrai » premier ministre a été relégué au second plan, et transformé en superdirecteur de cabinet du président.
Cette position de « premier ministre de lui-même » est devenue difficilement viable après 2022, puisque Emmanuel Macron n’avait plus de majorité. Elle est devenue franchement intenable depuis la dissolution. Inversement, Michel Barnier et surtout François Bayrou se sont comportés comme des présidents bis, revendiquant de gouverner sans consulter le président de l’Elysée, ni lui rendre de comptes.