Les Caraïbes, déstabilisées par les trafics de drogue, d’armes et le blanchiment d’argent

« Cette rue, c’est la frontière : mieux vaut ne pas aller plus loin », lance Sheldon Johnson, ouvrier du bâtiment âgé de 51 ans, devant une venelle pentue où maisons de parpaing et de tôle s’accrochent à flanc de colline. De l’autre côté commence Laventille, un quartier devenu symbole de pauvreté et de criminalité à Port of Spain, la capitale de Trinité-et-Tobago. A deux pas de la place de l’Indépendance, longue esplanade ombragée, grouillante de passants affairés, ces lieux plongés dans un silence pesant semblent appartenir à un autre monde.

La « frontière » désignée n’a rien d’officiel. Elle sépare deux fiefs ennemis : celui du gang Rasta City (surnommé « Seven »), où ce père de famille vit avec ses quatre enfants près de Basilon Street, et celui de ses dissidents – les Sixx –, où il refuse de s’aventurer. Depuis leur scission, en 2017, ces factions rivales se livrent une guerre territoriale sans merci. « Une poignée d’hommes tient la population sous sa coupe, déplore Sheldon Johnson. Les habitants voudraient une vie normale, mais il leur a fallu s’habituer à cette violence. Ici, il n’y a que les promesses non tenues de nos gouvernants. »

Sur les murs, les impacts de balles témoignent de cette spirale meurtrière qui a atteint un pic en décembre 2024. Ce mois-là, pas moins de 61 meurtres ont été recensés, l’année s’est achevée dans un bain de sang. Le 28, un homme était abattu devant le commissariat de police de Laventille. Le lendemain, une fusillade en représailles causait la mort de cinq personnes dans une supérette du quartier. Le soir de la Saint-Sylvestre, un diacre adventiste de 43 ans était assassiné à la sortie de l’office, devant son église, portant à 624 le nombre d’homicides volontaires enregistrés en 2024 : un record macabre pour cette nation d’environ 1,5 million d’habitants.

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