Le double discours du RN sur le pouvoir, revendiqué et redouté

Le fait mérite d’être rappelé : Marine Le Pen est une dirigeante politique qui n’aspire pas à gouverner. Au sens strict : la cheffe de file de l’extrême droite dit ne vouloir, sous aucun prétexte, être cheffe du gouvernement, y compris dans une situation de cohabitation. Pourtant, la faiblesse d’Emmanuel Macron, conjuguée à la Constitution de la Ve République, offrirait au premier ministre d’une majorité, même relative, issue d’une future dissolution, un pouvoir immense. Celui de « détermine[r] et condui[re] la politique de la nation », de « dispose[r] de l’administration et de la force armée », d’« assure[r] l’exécution des lois », d’« exerce[r] le pouvoir réglementaire et [de] nomme[r] aux emplois civils et militaires ».

Autant de prérogatives que Marine Le Pen refuserait, le cas échéant, pour privilégier la conquête de l’Elysée, plus tard. Lorsque le Rassemblement national (RN) est apparu en position de prendre le pouvoir, en juin 2024, elle disait vouloir rester à l’écart de l’exécutif, simple présidente du groupe, « pour voter les textes qui seront préparés par le gouvernement de Jordan Bardella ».

Ces derniers jours, alors que la perspective d’une dissolution se fait plus menaçante, et donc celle d’une majorité plus accessible, tout devrait pousser Marine Le Pen à changer de discours : condamnée à l’inéligibilité avec exécution provisoire, elle ne serait pas en mesure de se représenter et n’aurait plus aucun mandat ni tribune politique. Matignon serait un beau radeau de sauvetage. « Evidemment qu’il faudrait qu’elle y aille ! », lâche un proche. Pourtant, si Emmanuel Macron appelait le RN aux responsabilités, elle déclinerait, maintient-on dans l’entourage de l’héritière lepéniste.

Jamais cette étrangeté n’est vraiment justifiée par l’intéressée. Son cabinet explique qu’occuper Matignon, c’est être chef d’une majorité, alors qu’elle vise à rassembler les Français. Son conseiller spécial, Philippe Olivier, argue : « Son tempérament, c’est la vision haute, les grandes orientations, pas la tambouille de Matignon. » Comme si elle craignait que le tremplin ne se transforme en toboggan et préférait envoyer Jordan Bardella goûter la température de l’eau. C’est oublier que le trentenaire n’a pas donné, non plus, le signe d’une folle envie de Matignon.

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