En septembre 2024, quand Mario Draghi avait parlé de « menace existentielle » à propos du décrochage de l’économie européenne, beaucoup d’observateurs avaient cru que l’heure du sursaut avait enfin sonné. Le rapport remis à Ursula von der Leyen, la présidente de la Comission européenne, par l’ex-président de la Banque centrale européenne et ancien président du conseil italien avait été amplement commenté et unanimement salué. Mais visiblement, au regard du peu de chantiers lancés depuis un an, l’« existentiel » semble pouvoir attendre.
Sur les 383 recommandations du rapport, seules 43 ont commencé à être mises en œuvre, soit un peu plus de 11 %, selon le décompte effectué par le groupe de réflexion European Policy Innovation Council. La Joint European Disruptive Initiative, une agence visant à faire émerger en Europe les technologies de rupture, vient de lancer un « Draghi Tracker », guère plus optimiste, estimant que seulement 14 % des préconisations ont commencé à être appliquées. Bref, le sentiment d’urgence s’est bel et bien dissous dans la pesanteur institutionnelle et administrative bruxelloise.
Dans un discours très critique sur ce bilan, prononcé le 22 août, lors de la Rencontre de Rimini (Italie), Mario Draghi avait fait un constat amer : « L’Union a cru que sa dimension économique s’accompagnait d’un pouvoir géopolitique et d’une influence dans les relations commerciales internationales. Cette année restera dans les mémoires comme celle où cette illusion s’est dissipée », avait-il résumé, avant de lâcher, en forme de supplique : « Faites quelque chose ! »
Le scepticisme grandissant sur la capacité de l’UE à défendre ses intérêts s’est pleinement ressenti le 10 septembre, lors du discours sur l’état de l’Union prononcé par Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission a donné le sentiment d’être davantage une commentatrice des fracas du monde qu’un acteur incontournable. « L’Europe se bat ! », a-t-elle néanmoins assuré. Les Européens en doutent fortement. Un mois et demi après la signature de l’accord sur les droits de douane imposé par Donald Trump, une majorité d’entre eux déclare ressentir de « l’humiliation », selon une enquête publiée par la revue Le Grand Continent.