Il n’y a pas plus consensuel que les Journées du patrimoine, qui auront lieu ce week-end partout en France. Et pourtant jamais la guérilla patrimoniale n’a été aussi intense. Tous les coups sont permis entre la droite et la gauche, chaque camp orchestrant à sa manière le décor et la mémoire de l’Hexagone tout en insultant l’autre. Le patrimoine devrait souder et apaiser, il divise et surexcite. Il est vrai que se joue la conquête des esprits et des urnes.
Pour comprendre, il faut revenir aux années Jack Lang à partir de 1981. Alors ministre de la culture, le socialiste défend d’emblée les artistes vivants et délaisse les pierres mortes, sujet estampillé de droite. Mais il rééquilibre vite son action. En 1984, il crée les Journées du patrimoine, un champ qui fera ensuite consensus pendant trente ans.
C’est la droite et surtout l’extrême droite qui mettent fin à l’armistice à l’aube des années 2020 à partir d’un constat : la création, les artistes, le théâtre ou le cinéma penchent tellement à gauche qu’ils sont perdus à leur cause. C’est sur le terrain de l’histoire, des « grands hommes », du terroir local comme des vestiges nationaux, qu’elles pourront imposer leur magistère moral afin de conquérir le pays.
Laurent Wauquiez, président de la région (Les Républicains) Auvergne-Rhône-Alpes, rêvant d’un spectacle sur la civilisation gauloise, est un symbole de cette ligne. C’est encore plus net au Rassemblement national (RN), qui promet de tripler les crédits du patrimoine, faisant du secteur un marqueur du « redressement moral ».
Ces derniers peuvent compter sur la création massive, depuis cinq ans, de sites et spectacles, immersifs ou avec des figurants, visant à raconter l’histoire de France, ou celle des « illustres » aussi, dans un climat conquérant. Ce n’est pas fini, tant les projets pullulent – le champagne à Reims, les ducs de Bourgogne à Beaune, en Côte-d’Or, Surcouf à Saint-Malo, dans l’Ille-et-Vilaine, Jules Verne ou Jeanne d’Arc ailleurs…