Stéphanie Latte Abdallah, historienne : « Le plan “de paix” de Trump a imposé une vision du futur de Gaza fondée sur la logique coloniale »

La trêve dans la bande de Gaza et la perspective d’une entrée suffisante d’aide humanitaire ont été un immense soulagement. Pourtant, en l’état, le plan dit « de paix » du président américain, Donald Trump, n’est pas même un cessez-le-feu et n’est en rien d’un nouveau genre, puisque, comme au Liban, il n’empêche pas la continuation des attaques de l’armée israélienne : 241 Palestiniens de Gaza ont été tués depuis son entrée en vigueur [le 10 octobre].

Si on accepte néanmoins de s’y pencher, la première chose qui saute aux yeux est que ce plan s’inscrit dans la continuité des projets précédents : celui d’une « riviera » – qui prévoyait de déplacer les 2,2 millions de Gazaouis hors de l’enclave ; celui baptisé « Gaza 2035 » par le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou ; ou plus récemment celui du Great Trust (Great pour Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation) développé par l’Institut Tony Blair et le Boston Consulting Group. Sans oublier les spéculations immobilières de Jared Kushner, gendre et conseiller de Donald Trump.

En ce sens, ce nouveau plan est totalement américano-israélien. Les acteurs sont les mêmes – l’Institut Tony Blair est notamment financé par le milliardaire américain Larry Ellison, un des plus gros donateurs de l’organisation Les Amis de l’armée israélienne – et les visions futuristes et dystopiques qui le portent, ancrées dans un technolibéralisme conquérant, sont absolument concordantes.

Ce plan imagine une reconstruction totale de Gaza à partir d’un territoire réduit à néant, une tabula rasa. La planification urbaine et les infrastructures sont présentées comme innovantes, appuyées sur les technologies, notamment sécuritaires et environnementales, et sur l’intelligence artificielle. Leur réalisation doit bénéficier aux entreprises américaines et israéliennes, mais aussi aux pays pétroliers du Golfe, mobilisés pour le financer, comme aux pays arabes voisins – en premier lieu l’Egypte. Fondé sur une logique extractiviste, il vise l’exploitation, d’abord par ses promoteurs, des gisements de gaz et de pétrole au large de Gaza, estimés respectivement à environ 33 milliards de mètres cubes de gaz, selon la compagnie Shell, et à 1,7 milliard de barils de pétrole, d’après un rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, publié en 2019.

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