Elle, elle sait que c’est son dernier voyage au chalet. Et, face à elle, affalée et tout enivrée d’elle-même sur le canapé, sa copine l’ignore. Elle dit « chalet » par réflexe, alors qu’il ne s’agit pas exactement d’un chalet. Elle se laisse aller à la facilité, parce que l’on qualifie de « montagnes », les Catskills, ce qui n’est pas non plus d’une précision exemplaire. Car, géologiquement, il s’agit de plateaux et de collines ultra-érodés. Pas de montagnes. Et aussi, parce que les murs de la résidence secondaire de la famille de sa copine sont en bois.
Toute cette famille dit « chalet ». Pour minimiser, sûrement, pour raconter autre chose que la réalité de leur extraction, tous soumis à un complexe social contraire au sien, s’excusant d’appartenir à une lignée ruinée, qui fut donc fortunée. Tout en précisant, à chaque fois qu’ils mentionnent le lieu auprès de béotiens curieux de connaître l’histoire de cet endroit si singulier, si merveilleux, que « le chalet » date du début des années 1950 ; c’était une des dépendances d’un hôtel légendaire de la région tenu par leur arrière-grand-mère durant l’âge d’or de la Borscht Belt. Et, juste après, s’empresser d’ajouter que la famille a tout perdu ; mauvais placements, inflation, descendants mal éduqués ayant dilapidé la fortune en idées affligeantes.