Dans son précédent ouvrage, Les Sociétés matriarcales. Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde (Des femmes/Antoinette Fouque, 2019), la philosophe et anthropologue allemande Heide Goettner-Abendroth s’attachait à définir les critères permettant de qualifier une société de « matriarcale ». La notion de matriarcat lui semblait en effet difficile à cerner précisément, du fait de son absence de définition claire et des « épaisses strates d’interprétation patriarcales » qui déforment, selon elle, les vestiges de ces sociétés. Au terme de ces recherches, la fondatrice et directrice, à Winzer (Allemagne), de l’Académie internationale pour les recherches matriarcales modernes était parvenue à en isoler les caractéristiques communes : la matrilinéarité, le pouvoir qu’ont les femmes sur la distribution économique, et l’égalité de genre, qui s’exprime dans le principe du consensus lors des prises de décision.
Ayant ainsi montré que le matriarcat n’était pas l’image inversée du patriarcat, puisqu’il ne reposait pas sur la domination d’un genre sur l’autre mais organisait au contraire des « formes de sociétés (…) fondamentalement égalitaires », l’autrice affronte dans son nouveau livre, Sociétés matriarcales du passé et émergence du patriarcat, l’épineuse question de la disparition de ces sociétés au profit des cultures patriarcales. Suivant, avec la précision et l’exigence intellectuelle qui caractérisent son travail, la méthode inductive qui était déjà la sienne dans le livre précédent, Heide Goettner-Abendroth s’appuie sur l’anthropologie et les découvertes archéologiques récentes pour comprendre et expliquer l’émergence du patriarcat, en parcourant l’évolution des sociétés d’Asie occidentale et d’Europe du paléolithique au Ier siècle.