Du haut d’une des collines, innombrables, du sud du Rwanda, recouverte en cette saison du manteau vert pomme des cultures de thé, résonnent quelques coups de marteau réguliers. Derrière une palissade tressée en branches d’eucalyptus, Claude Hishamunda taille les fourches d’un vélo en bois, ici appelé igicugutu. Le soleil de 13 heures inonde la cour intérieure de la petite maison recouverte de chaux blanche, située en contrebas du village de Dufatanye, une localité de 900 âmes nichée à quelques kilomètres de la frontière avec le Burundi.
« J’ai appris à les construire vers l’âge de 20 ans en observant les anciens, raconte l’homme de 36 ans. Ces vélos sont adaptés pour circuler sur les sentiers escarpés de nos collines. » L’igicugutu est apparu au Rwanda dans les années 1950, en réponse au besoin quotidien des paysans de transporter leurs marchandises sur des sentiers accidentés. Le Rwandais enjambe ce qui ressemble plus à une trottinette en bois munie d’un cadre pour s’y asseoir qu’à une bicyclette classique.
« Nos igicugutus sont surtout plus abordables que les vélos en acier, qui coûtent environ 120 000 francs rwandais [70 euros] à l’achat », explique l’ébéniste, qui espère tirer 20 000 francs rwandais de la vente de ce véhicule, soit l’équivalent d’un mois de salaire. « Je pourrai ainsi payer les fournitures de mes enfants pour la rentrée scolaire », confie l’habitant du district de Nyaruguru, classé parmi les plus pauvres du pays.