Au temps de ma colère se place dans le droit fil de Thésée, sa vie nouvelle (Verdier, 2020), où Camille de Toledo déchiffrait, dans la chute du mur de Berlin, la marche politique du monde et la psychogénéalogie, les causes indirectes de la mort de son frère. La métaphysique intime scintillante qui fait le sel de sa démarche est ici recentrée sur lui-même : pour enquêter sur les causes de sa tristesse, remonter aux sources de son indignation, il en diagnostique la texture composite, rythmée par une temporalité nouée.
C’est d’une époque à la fois personnelle et historique, qui lui pose « des problèmes respiratoires », qu’il se fait l’archéologue, dans une biographie subjective panoramique qui confronte l’écriture à la photo, le romain à l’italique, les failles du présent aux blessures du passé. Le roman se fait chronique d’une chronique : l’écrivain d’aujourd’hui, né au milieu des années 1970, se ressaisit d’un texte écrit à 25 ans : il s’y frayait un chemin dans les décombres de la « fin de l’Histoire » – la chute du communisme, en 1989, à l’issue de laquelle, déplore-t-il, une « idéologie de la résignation » s’est substituée à la lutte des classes.