En ce matin d’automne, un soleil oblique disperse la brume enveloppant le petit parc du Lac de la solidarité (Tuanjiehu), face au deuxième périphérique pékinois. Des retraités s’offrent des cigarettes sous un bouquet de saules pleureurs. Certains s’envoient de grandes claques sur l’épaule pour se donner du courage. Une sono d’appoint crache des chants révolutionnaires ou d’opéra. L’entraînement peut commencer.
On sort les vieux haltères d’une armoire métallique camouflée par des pins. Chacun s’installe sur un module de fitness ou s’étale sur un tapis. Deng Yujie, 71 ans, pull-over rouge avec un petit cœur blanc sur la poitrine, empoigne l’appareil de gainage. « Moi, j’étais chauffeur routier, je pesais 100 kg, je fumais et buvais de la Tsingtao. J’avais un gros ventre et un tas de maladies. Mais, depuis bientôt dix ans, je suis aux trois-huit : huit heures de sommeil, huit heures de détente avec beaucoup de vidéos sur le bien-être et huit heures de sport. » Cela inclut quatre heures de gym, chaque matin, de 6 heures à 10 heures. « Je ne me trouve pas plus beau qu’avant, mais touchez comme je suis solide. »
En Chine, les parcs sont un lieu de socialisation essentiel pour les personnes âgées. « Ces retraités sont nés sous le maoïsme. Durant leur jeunesse, les parcs publics ont été mobilisés par le pouvoir comme des espaces de mise en scène des manifestations de masse, et donc comme espaces de performance, de fête ou de commémorations politiques, explique Justine Rochot, sociologue au Centre d’études français sur la Chine contemporaine et spécialiste du troisième âge chinois. Plus tard, après la libéralisation du pays, dans les années 1980, les parcs sont devenus des espaces pouvant accueillir des pratiques plus diversifiées et hors du champ de l’Etat. »