Comme chaque année, les débats autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale devraient être l’occasion d’analyser les défaillances de notre système de santé et de proposer des solutions globales et structurelles plutôt que sectorielles et conjoncturelles. Malheureusement, nous constatons une fois de plus le corporatisme exacerbé d’un écosystème où chacun défend son pré carré, et le populisme de celles et ceux qui, plutôt que de s’intéresser aux questions de fond, préfèrent mettre en avant le prix du parking des hôpitaux.
Construit à l’aube des années 1960, notre système de santé centré sur le soin n’est plus adapté aux évolutions de ces dernières décennies, mal anticipées tant par les politiques que par les acteurs de la santé publique dans leur ensemble. Nous devons aujourd’hui faire face à une transition plurielle. En premier lieu, cette transition est d’ordre démographique, avec une augmentation du nombre de personnes âgées parfois dépendantes, mais aussi d’ordre épidémiologique, avec l’accroissement des pathologies chroniques, des maladies liées à la pollution et au réchauffement climatique, et l’explosion des troubles de la santé mentale chez les jeunes.
Soulignons également l’importance de la transition technologique, avec les progrès de la recherche et l’irruption de l’intelligence artificielle dans le domaine de la santé, et, enfin, d’une profonde transformation sociale, dont les professionnels de santé ne sont pas exclus, et qui implique une modification profonde de notre rapport au travail, une volonté toujours accrue d’« immédiateté » dans les réponses, ainsi qu’une meilleure reconnaissance des pathologies féminines.
Si l’« effet ciseaux » entre une augmentation de la demande de soins et une raréfaction de l’offre est répété à l’envi, se contenter de cette vision binaire de la situation nous précipite, à coup sûr, dans l’abîme. Il est aujourd’hui illusoire de vouloir résoudre les problèmes d’accès aux soins, de financement de la santé, d’insatisfaction de nos concitoyens sans une réforme en profondeur fondée sur un réel changement de paradigme qui seul permettra la préservation de notre système social. Cette rupture indispensable passe par une nouvelle doctrine, une architecture adaptée, une démocratie sanitaire rénovée et un financement ajusté aux besoins.