La politique antidrogue est, en théorie, d’une singulière simplicité : il suffit de réduire l’offre et la demande en arrêtant, en poursuivant et en condamnant les parties prenantes. La réalité est pourtant bien différente et implique des mécaniques complexes, comme cela a été montré à maintes reprises. Pourtant, le débat actuel sur la lutte contre le narcotrafic – un terme très réducteur, dans la mesure où les narcotiques ne sont qu’une catégorie des substances psychoactives – semble ignorer cette complexité.
Plus on réprime aveuglément le marché des drogues illégales, plus les conséquences sont négatives. Depuis presque soixante ans, la « guerre aux drogues », lancée par le président américain Richard Nixon en 1971, puis adaptée dans différents pays et sous différentes formes, n’a fonctionné nulle part, puisque ce marché illégal ne cesse de grandir, tant en termes de production que de trafic et de consommation.
Pour les consommateurs, une approche basée sur le « Just say no », célèbre slogan de la campagne de Nancy Reagan dans les années 1980, est si simpliste que, en plus d’être inutile en matière de prévention et de traduire une grande méconnaissance du marché des drogues, il stigmatise les effets néfastes de ces consommations. C’est la même politique contre-productive, fondée sur la condamnation des consommateurs et sur les méthodes répressives de réduction de l’offre, qui s’applique en France depuis plusieurs décennies.
Surtout, cette condamnation des consommateurs a créé des conséquences négatives, qui sont tout aussi dures à contrer que le marché des drogues lui-même – ce que l’ONU nomme depuis 2008 les « conséquences inattendues du contrôle des drogues ». La première de ces conséquences est le déplacement dommageable des politiques publiques, avec un investissement déséquilibré en faveur de la police et de la justice aux dépens de la santé, des affaires sociales et de la cohésion.
Il faut souligner aussi le déplacement géographique, ou l’« effet ballon » : faire tomber un réseau ou une organisation criminelle entraîne la formation de nouvelles entreprises criminelles et d’une recomposition des réseaux et des territoires. S’y ajoutent, bien sûr, les conflits entre ces nouvelles entités et, avec eux, la flambée de violence dans laquelle les populations se trouvent prises au piège, tandis que le marché des drogues s’étend et cible de nouveaux consommateurs.