Ken Burns a commencé à travailler à son documentaire un an avant la fin du mandat de Barack Obama, en décembre 2015. Dix ans plus tard, son œuvre – une magistrale série de six épisodes, consacrés à la guerre d’indépendance américaine (1775- 1783) – est diffusée à un moment radicalement différent. L’heure n’est plus à la célébration d’une Amérique multiraciale en route vers cette « union plus parfaite » promise par les Pères fondateurs, mais à la relégation des minorités dans l’arrière-boutique du récit national. Alors que le pays s’apprête à fêter, à l’été 2006, le 250e anniversaire de la signature de la déclaration d’indépendance, le 4 juillet 1776, les divisions continuent de s’accentuer sur l’identité du pays.
Les six épisodes de la série The American Revolution (« la révolution américaine ») réalisée par Ken Burns, avec Sarah Botstein et David Schmidt, ont été diffusés entre le 16 et le 21 novembre sur PBS, la chaîne publique accusée de biais prodémocrate par les républicains du Congrès, qui ont été jusqu’à lui couper les vivres en juillet. Ken Burns, qui chronique les guerres américaines depuis trente-cinq ans, de la guerre de Sécession (1861-1865) à celle du Vietnam (1964-1975), a effectué une tournée de promotion dans 32 villes et multiplié les interviews. Il a tenté de désamorcer les soupçons de « wokisme » et évité de prononcer le nom du président. Son ambition : le rassemblement.
Dans sa série, le réalisateur ne cache rien du péché originel de la république américaine : l’esclavage et l’hypocrisie des Fondateurs déclarant que « tous les hommes sont créés égaux » sans aller jusqu’à libérer leurs propres serviteurs. Après le 4 juillet 1776, il faudra encore 89 ans pour abolir l’esclavage et 144 ans pour donner aux femmes le droit de vote, souligne-t-il.
Il ne dissimule pas que, au-delà de la révolte contre les taxes imposées par Londres, et au-delà des nobles idéaux de justice et de liberté professés par les Fondateurs, c’est la volonté d’expansion territoriale qui motive les rebelles du Nouveau Monde, alors que la couronne britannique a interdit toute colonisation au-delà des Appalaches, en pays indien. Dès les premières images, Ken Burns met en avant que Benjamin Franklin (1706-1790), l’un des architectes de l’indépendance, s’est inspiré du modèle de la confédération des nations iroquoises – une proposition jugée aberrante par les républicains.