Planetenverteidigungskanonenkommandant. Il faut s’y reprendre à (au moins) deux fois avant de réussir à prononcer d’une traite le nom du prochain jeu vidéo du studio allemand Bippinbits, qui sortira sur PC dans le courant de l’été 2026. Traduction : « commandant du canon de défense planétaire », ce qui correspond précisément au rôle tenu par le personnage principal, un canonnier chargé d’actionner une arme antiaérienne titanesque capable de détruire des vaisseaux extraterrestres entrant dans l’atmosphère.
A l’origine, Planetenverteidigungskanonenkommandant (que l’on désignera, pour plus de commodité, par ses initiales PVKK) n’était qu’un nom provisoire. Cependant, l’équipe a rapidement remarqué qu’il ne laissait personne indifférent : « Nous nous sommes dit qu’il y avait quelque chose d’amusant à porter ce nom absurde », se souvient René Habermann, le créateur du jeu, que Le Monde a rencontré à la Gamescom, le salon du jeu vidéo de Cologne.
Ce titre à rallonge sied on ne peut mieux à l’univers dystopique et satirique de cette expérience singulière, inspirée par l’histoire de la République démocratique allemande (1949-1990) et l’esthétique soviétique. Le studio, par ailleurs sis dans l’est de l’Allemagne, nous place dans la peau d’un militaire de rang inférieur aux ordres d’un régime autocratique fictif chargé de repousser de mystérieux envahisseurs.
Au fil de cette guerre menée à très longue distance, nous sommes confrontés à l’isolement de ce soldat, réduit à effectuer des tâches mécaniques. Nous découvrons une vie monotone, rythmée par des missions imposées par des supérieurs inflexibles, qui se contentent de nous offrir des tasses de thé et quelques améliorations de l’appareil en guise de remerciement pour nos faits d’armes. Continuer à exécuter leurs ordres sans discuter ou suivre des instructions données par des dissidents ? La mise en scène est parodique, pince-sans-rire, mais les enjeux sont réels : au joueur de faire le choix qui lui conviendra le mieux.
PVKK évoque également la technologie de l’époque du bloc soviétique. Le joueur est invité à oublier le caractère « intuitif » des technologies modernes pour tendre vers ce passé proche où les interfaces homme-machine étaient faites de leviers à actionner, de boutons sur lesquels appuyer (dans un certain ordre), de jauges à respecter et d’écrans à faible résolution. Sur le stand de la Gamescom, le visiteur est invité à se familiariser avec la longue procédure de mise à feu sur une reconstitution grandeur nature du tableau de bord de la machine.
Activer une turbine à vapeur pour créer de l’énergie, lancer le système, verrouiller les cibles ennemies sur le radar, vider la chambre du canon, l’armer en enclenchant une sorte de levier de vitesse, identifier l’ennemi sur un clavier, inscrire ses coordonnées, etc. : il faut près de deux minutes trente au créateur de PVKK pour nous montrer comment remplir les différentes tâches du canonnier et, enfin, appuyer sur le bouton pour tirer. Sur un écran géant, le canon planétaire rougeoie, l’obus part lentement et laisse dans son sillage un panache de fumée, avant de faire exploser le vaisseau ennemi. « Mission accomplie », nous révèlent quelques notes d’une musique surannée qui précèdent le briefing de notre supérieure.
Toutefois, lorsque nous nous retrouvons seul devant l’énorme panneau de contrôle, la panique s’installe. On appelle à l’aide : « L’ennemi est trop proche… Comment puis-je recalculer l’angle du canon ? » Plus tard, un visiteur réussit la manipulation du premier coup, ce qui lui vaut d’être chaudement applaudi par le public, comme s’il venait de résoudre en direct un puzzle difficile.
Le développeur se plaît à partager avec d’autres personnes une passion qu’il a toujours du mal à s’expliquer : appuyer sur des boutons. « Quand je vois un vieux cockpit, j’ai envie d’y aller, de toucher à tout, d’appuyer sur chaque bouton et de voir ce que ça fait », déclare-t-il. PVKK répond à cette pulsion, tout en lui donnant du sens. S’appuyant sur une solide documentation, l’équipe s’est attachée à rendre le fonctionnement de sa machine, pourtant fictive, le plus plausible possible. Le résultat donne l’impression d’une relecture de l’iconique borne d’arcade Space Invaders (1978) de Taito sur le mode du simulateur rétrofuturiste.
La lenteur qui en découle ne l’empêche pas de réussir à créer une tension permanente dans les affrontements. Il faut se méfier du moindre bouton ou levier oublié, qui oblige à reprendre la procédure de zéro, alors que la flotte ennemie, elle, ne nous accorde aucun répit. De surcroît, la machine est capricieuse : il faut constamment veiller à changer les fusibles et à graisser les pièces en plein combat, mais aussi adapter sa stratégie en fonction des améliorations apportées à l’équipement. Tout est fait pour que la vie de ce fonctionnaire de la guerre ne soit pas un long fleuve tranquille.