On croit tout savoir de Socrate. Simplicité, ruse, ignorance proclamée, chasse aux illusions. Sans oublier mauvaise réputation, procès inique, trépas héroïque. Aucune œuvre, mais un tournant de la pensée. Platon, Xénophon, Aristophane ont mis en scène diversement ce maître énigmatique. Quantité d’autres témoignages antiques dispersés conservent tel trait, telle formule. Et, au fil des siècles, se sont accumulées d’immenses piles de commentaires, d’études, d’analyses, scrutant sous tous les angles l’homme et la légende.
Malgré tout, on ne sait rien. C’est la première leçon d’Eloge de Socrate, qui est donc, par elle-même, éminemment socratique. Il s’ensuit d’importantes conséquences, dont les répercussions ne s’arrêtent plus. On découvre en effet, en seulement quelques pages – savantes, limpides et subtiles –, que Socrate est avant tout le nom d’un trouble révélateur. Derrière le personnage, partout décrit comme laid, excessif, déroutant, retors, se cache une dissonance fondatrice, un dispositif de séduction qui ne cesse de fonctionner à travers le temps.