L’intelligence artificielle (IA) est à Taïwan ce que le pétrole est aux pays du Golfe : une incroyable manne qui risque aussi de devenir une addiction. L’île fabrique la plupart des serveurs et des semi-conducteurs utilisés dans l’IA. Le taïwanais TSMC, qui fabrique les puces les plus avancées au monde, s’attend à une hausse de ses ventes de 30 % en 2025 et vient de relever ses prévisions de chiffre d’affaires au troisième trimestre au-delà du seuil des 32 milliards de dollars (environ 27 milliards d’euros). Foxconn, un autre fleuron taïwanais, a fait savoir, mi-août, que son bénéfice allait bondir de 27 % au deuxième trimestre grâce à une forte demande de serveurs d’intelligence artificielle.
La révolution mondiale de l’IA a fait décoller les exportations du pays, qui ont atteint le chiffre record de 154 milliards de dollars au deuxième trimestre. Celles-ci tirent désormais les deux tiers de la croissance du produit intérieur brut (PIB), laquelle a atteint les 8 % au deuxième trimestre, l’une des plus élevées au monde. Vous voulez savoir comment se porte l’industrie mondiale de la tech ? Suivez le PIB taïwanais, il en est l’un de ses meilleurs indicateurs.
Jusqu’ici, tout va bien. Mais un éclatement de la bulle de l’intelligence artificielle pourrait vite dégonfler la croissance de l’île. D’où l’importance d’avoir une économie diversifiée. Car derrière les chiffres exceptionnels de la croissance taïwanaise ne figurent en réalité qu’une poignée de grandes entreprises du même secteur, celui des semi-conducteurs. Or, on connaît des pays qui, à l’instar de l’Angola ou de l’Arabie saoudite, ne dépendent que du pétrole et ne parviennent pas à développer le reste de l’économie, tout en souffrant d’une monnaie surévaluée. Taïwan connaît les mêmes symptômes.
Le centre de recherches du Taiwan Institute of Economic Research a ainsi mis en garde, début septembre, contre la mauvaise santé de son industrie, qui a enregistré en juillet son troisième mois de récession. Ses indicateurs montrent que, pour dix-neuf des vingt et un secteurs manufacturiers du pays, l’activité est en baisse en raison de la hausse des droits de douane américains et de la surévaluation du dollar taïwanais.