En dépit des dénégations de Moscou, il est difficile d’expliquer autrement que comme un test les incursions successives de drones russes dans le ciel de la Pologne, dans la nuit du 9 au 10 septembre, puis dans celui de la Roumanie, le 13 septembre.
L’instant choisi pour ces survols d’aéronefs, qui ne comportaient pas de charges explosives dans le cas polonais et qui n’étaient donc pas destinés au théâtre ukrainien, laisse peu de place au doute. Ils interviennent alors que la Russie a décidé d’intensifier ses bombardements contre Kiev, quelques semaines seulement après le succès diplomatique engrangé par le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, reçu avec les honneurs par son homologue américain, Donald Trump, à Anchorage, en Alaska, sans aucune contrepartie.
Les intrusions de drones ont été également enregistrées alors que les alliés de l’Ukraine, réunis dans une « coalition des volontaires », envisagent de déployer une force de réassurance composée de soldats européens sur le sol ukrainien en cas d’interruption des hostilités. La Russie a dit qu’il s’agissait d’une ligne rouge.
Alors que les garanties de sécurité réclamées à juste titre par Kiev dans l’hypothèse d’un cessez-le-feu font l’objet de dissensions entre l’administration de Donald Trump et les Européens, la Russie tente à l’évidence de pousser son avantage en mettant désormais sous pression l’Alliance atlantique et en testant ses vulnérabilités. Ces survols constituent un pas supplémentaire dans une escalade calculée, qui s’ajoute à ceux de la guerre hybride menée à bas bruit depuis des années.
La réponse des membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) n’a été que partiellement rassurante. L’activation de l’article 4 prévoyant des consultations entre ses membres et la coordination des différentes forces mobilisées lors des deux incursions ont pu être jugées satisfaisantes sur le plan opérationnel. Mais le dispositif mobilisé, extrêmement coûteux, a fait apparaître de manière évidente une inadaptation à la menace nouvelle que constitue l’usage intensif de drones bon marché, perfectionné par les deux camps depuis l’invasion russe de l’Ukraine, le 24 février 2022.
Il ne s’agit pourtant pas, dans l’immédiat, de la plus grande menace pour l’Alliance et sa dissuasion. La principale faiblesse exposée par les survols de drones russes est politique et découle, encore une fois, des ambiguïtés du président des Etats-Unis. Donald Trump a semblé rechigner à reconnaître la réalité de ces incursions comme à envisager leurs conséquences, à la différence de son ambassadeur à l’OTAN. Une telle hésitation est de nature à saper le principe fondateur de l’Alliance, la solidarité de ses membres face à toute agression. C’est précisément l’objectif recherché par Vladimir Poutine.
Ce constat doit convaincre les Européens de la nécessité de prendre en main leur propre défense, et d’y consacrer les moyens nécessaires, même si cela doit passer par des arbitrages difficiles. L’annonce par le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, d’une nouvelle mission, baptisée « Eastern Sentry » (« sentinelle de l’Est »), visant à offrir plus de flexibilité pour assurer la défense du flanc oriental de l’Alliance, constitue un premier élément de réponse. Elle s’appuiera sur des contributions supplémentaires venant des principaux Etats européens car aucun effort américain particulier n’a été annoncé.