Il y a des athlètes qui paraissent toucher par la grâce. Sydney McLaughlin-Levrone entre directement dans cette catégorie tant l’Américaine survole les pistes d’athlétisme depuis quelques années. Après avoir écœuré la concurrence sur une course à obstacles – le 400 m haies –, l’athlète de 26 ans s’est dit qu’elle allait désormais tenter de martyriser de nouvelles adversaires sur 400 m plat.

Jeudi 18 septembre à Tokyo, dans l’enceinte où elle avait battu pour la deuxième fois (sur six) le record du monde du 400 m haies en finale des Jeux olympiques en 2021, McLaughlin-Levrone a couru, sous la pluie, la deuxième course la plus rapide de l’histoire pour remporter un deuxième titre mondial en individuel. La veille, elle s’était déjà signalée en réalisant, dès les demi-finales et en relâchant vers la fin de course, la septième performance de l’histoire (48 s 29).

Pour sa première grande finale sur le simple tour de piste, elle a échoué à seulement 18 centièmes d’un record du monde d’un autre temps, celui de l’Allemande de l’est Marita Koch, qui avait couru en 47 s 60, le 6 octobre 1985. Dans de meilleures conditions climatiques, elle aurait certainement pu réussir l’exploit d’effacer cette marque vieille de quarante ans. Elle devance chronométriquement dans les annales de la discipline de grandes championnes comme Marie-José Pérec (48 s 25 en 2016).

La double championne olympique du 400 m haies n’a pas battu des concurrentes insignifiantes mais bien des rivales redoutables : la championne olympique et du monde en titre, la Dominicaine Marileidy Paulino, qui a pourtant battu son record en 47 s 98, et la Bahreïnie Salwa Eid Naser (48 s 19), titrée en 2019.

Il faut dire que les dispositions de Sydney McLaughlin-Levrone sur la course de haies sont tellement époustouflantes que sa transition à succès vers la course de plat n’est une surprise pour personne. En 2024 au Stade de France, son sixième record du monde du 400 m haies, réussi en finale olympique, était plus rapide que la course de seize des vingt-quatre sprinteuses alignées en demi-finales du… 400 m. Elle s’était imposée avec une seconde et demie d’avance sur sa compatriote Anna Cockrell.

La Française Louise Maraval, éliminée en série des Mondiaux 2025, résumait la polyvalence hors norme de la patronne de sa discipline pendant Paris 2024 : « Elle pourrait avoir les minima olympiques sur le 100 m haies, le 200 m, le 400 m plat. Elle dispose d’une marge partout, est hypercomplète, ce qui lui permet d’être aussi forte sur 400 m haies. »

L’idée d’une escapade vers le plat n’est pas nouvelle. Son coach Bob Kersee, qui a notamment entraîné – et épousé – la recordwoman controversée du 100 m Florence Griffith-Joyner, la prédestine à ce changement depuis quelques années. En 2023, elle avait effectué sa rentrée estivale en prenant la deuxième place du meeting de Paris derrière Marileidy Paulino. Il était prévu qu’elle s’aligne sur le tour de piste aux Mondiaux de Budapest avant qu’une blessure au genou ne la contraigne finalement à déclarer forfait.

Cette saison, elle s’est amusée lors du Grand Slam, organisé par Michael Johnson, en disputant toutes les distances du sprint, sauf le 200 m. Puis, à partir de juillet, elle a disputé un 400 m de chauffe lors des Prefontaine Classic, à Eugene (Etats-Unis), avant de remporter, toujours dans l’Oregon, le titre de championne nationale et sa sélection pour les Mondiaux.

Trois courses plus tard à Tokyo, l’athlète de 26 ans a déjà laissé une trace mémorable dans l’histoire de sa nouvelle discipline. Si elle persiste dans cette nouvelle voie, on ne donne pas cher du record du monde vieux de 40 ans. En 2022, la mascotte des Mondiaux de Eugene – le légendaire Bigfoot – avait brandi, à son adresse après sa finale, une pancarte explicite : « Les records du monde sont ma nourriture favorite. » Trois ans plus tard, « la belle et la bête » partagent toujours le même régime alimentaire et un record du monde du 400 m paraît n’être qu’une question de (beau) temps.

Recomendar A Un Amigo
  • gplus
  • pinterest
Commentarios
No hay comentarios por el momento

Tu comentario