Vendredi 12 septembre, trois jours après la nomination de Sébastien Lecornu comme nouveau premier ministre, Fitch dégradait la note de la dette de la France, passant de AA – à A +. L’agence de notation américaine sanctionnait ainsi l’incapacité du pays à réduire sa dette publique et son instabilité politique. Fitch, comme ses consœurs Moody’s et Standard & Poor’s (S&P), délivre aux prêteurs des informations sur la solvabilité de l’emprunteur, notamment sous la forme lapidaire de notes très scrutées (de AAA, première qualité, à D, en défaut de paiement). Ces notes sont devenues, au fil du temps, très politiques.
Les agences de notation sont apparues dans les colonnes du Monde le 23 mars 1979. Elles ont traversé l’Atlantique en gardant à l’époque leur dénomination en anglais : rating. Elles surgissent dans la bouche de René Monory, ministre de l’économie de Raymond Barre de 1978 à 1981. Il est le dernier à avoir fait voter un budget quasiment en équilibre (en 1974, Jean-Pierre Fourcade avait dégagé un léger excédent). Le membre du gouvernement pousse alors… à emprunter plus, au nom de la modernité et de l’investissement.
« Les émissions nettes d’obligations ne représent[ent] que 2,18 % du produit national brut (PNB), ce chiffre faisant de la France la lanterne rouge des grands pays industrialisés », déplore René Monory dans l’article non signé. Le ministre souhaite donc que « les émissions de l’Etat [soient] poursuivies et même développées ». En contrepartie, « il s’agirait d’acclimater la méthode américaine du “rating”, en vertu de laquelle les émetteurs sont classés systématiquement en fonction de leurs capacités bénéficiaires, de leur “surface” financière, etc. »
Endettez-vous ! Cette préconisation sera suivie par François Mitterrand et la gauche, qui arrivent au pouvoir en 1981 avec un ambitieux programme de réformes sociales. Le 4 octobre 1982, François Renard annonce « le lancement éventuel, à la fin de 1982 ou au début de 1983, d’un “grand” emprunt d’Etat de 25 milliards de francs (pas moins !), destiné aux investissements ». Un « record » « difficile à battre », juge le journaliste, qui s’avance un peu. François Renard ajoute qu’« il est question d’instaurer une cotation en qualité des émissions à la manière du “rating” international des organismes spécialisés comme Moody’s et Standard & Poor’s. »