La France a longtemps fait figure d’exception en Europe sur le plan démographique. Alors que la plupart de ses voisins connaissaient un déclin prononcé de leur taux de fécondité, la natalité française semblait résister, entretenant l’espoir que le pays pourrait échapper à un hiver démographique. Mais, face à la dégradation des statistiques, les alertes se multiplient. Mardi 2 décembre, la Cour des comptes a apporté sa contribution à une indispensable prise de conscience des enjeux, en publiant un rapport consacré aux impacts de la démographie sur les finances publiques.
Pour la première fois depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la France devrait afficher en 2025 un solde naturel négatif, avec un nombre de décès supérieur à celui des naissances. Tandis que le nombre d’enfants par femme s’éloigne de plus en plus du seuil de renouvellement de la population, le pays vieillit de façon tendancielle en raison de l’allongement de l’espérance de vie. La part des plus de 65 ans pourrait ainsi représenter près du tiers de la population en 2070, selon l’Insee. Cet essoufflement aura des effets très importants sur les comptes publics, la soutenabilité du modèle social, le secteur du soin et de la dépendance, dont les besoins vont exploser, et la main-d’œuvre disponible, qui risque de manquer.
Avec moins d’actifs, donc moins de cotisations, davantage de dépenses publiques sensibles au vieillissement et un potentiel de croissance anémié, la France est confrontée à un défi inédit. Début 2024, Emmanuel Macron a évoqué un nécessaire « réarmement démographique ». Si le choix des mots a pu sembler maladroit, l’intention est louable. Il ne faut toutefois pas se faire d’illusions. Les politiques natalistes, même quand elles sont menées dans certains pays de façon autoritaire, peinent à produire les effets escomptés.
Faire un enfant relève d’une décision intime dans laquelle une multiplicité de facteurs intervient. Les identifier et tenter d’y répondre est important, mais probablement insuffisant pour réamorcer la dynamique démographique. L’immigration ne pourra pas, non plus, répondre à l’ampleur du problème, estime la Cour des comptes, même si la France pourra difficilement se passer de l’apport de main-d’œuvre étrangère, à moins d’assumer un déclin démographique encore plus prononcé.
Faute de pouvoir enrayer la tendance, le pays va devoir anticiper ses conséquences pour s’y adapter. Même si les solutions ne sont pas populaires, elles semblent inévitables. Elles passent par une amélioration du taux d’emploi aux deux extrémités de la vie active. Notamment, le pays ne pourra pas faire l’économie d’un ajustement de notre système de retraite par répartition qui, justement, repose entièrement sur la démographie. Enfin se pose la question du partage du fardeau entre les générations. Les actifs, de plus en plus rares, ne pourront plus en assumer la plus grande part, comme c’est le cas aujourd’hui.
Une mission parlementaire sur les causes et conséquences de la baisse de la natalité en France va se réunir dès la semaine du lundi 8 décembre. Il s’agit d’un timide début de réflexion sur des enjeux qui ont été jusqu’à présent absents des débats budgétaires. « Ne commettons pas la même erreur avec la démographie que celle que nous avons commise avec la dette publique », prévient le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. Si la démographie ne fait pas de politique, les politiques, eux, vont devoir s’intéresser à la démographie, et de façon urgente.