Maria Lassnig (1919-2014) est de ces artistes si parfaitement singulières et libres que sa trajectoire n’est guère explicable par l’histoire de l’art. Peut-être est-ce pourquoi elle a été si peu montrée jusqu’ici en France, alors qu’elle y fit des séjours et des rencontres remarquables. Une sélection de travaux sur papier, en 1995, au Centre Pompidou, une de ses peintures à Nantes, en 1999 : c’est peu. Au demeurant, elle n’a guère été plus exposée ailleurs, en dehors de son Autriche natale et des autres pays germanophones. Pour une artiste qui fut honorée d’un Lion d’or, en 2013, à la Biennale de Venise, cette rareté intrigue. L’exposition qui a lieu à Arles (Bouches-du-Rhône) n’en est que plus utile, en dépit du petit nombre d’œuvres : deux salles de peintures, une pour ses films et une dernière qui rassemble de façon confuse dessins et documents, ceux-ci plus ou moins utiles.
Maria Gregorz naît d’un père inconnu, le 8 septembre 1919, dans un village de la province autrichienne de Carinthie. En 1925, sa mère épouse un boulanger de Klagenfurt et sa fille devient Maria Lassnig. D’abord institutrice, la jeune femme aime trop le dessin et la couleur pour en rester là. En 1941, elle entre aux Beaux-Arts de Vienne et, non sans avoir été exclue de l’atelier par son premier professeur, en sort diplômée en 1945. En 1951, elle vient à Vienne et se lie avec Arnulf Rainer, son cadet de dix ans. Dès ces années, elle peint principalement nus et têtes. En 1951 encore, elle vient à Paris avec Rainer et, par le truchement du poète Paul Celan, rencontre André Breton, Benjamin Péret et Toyen.