En succombant à la « grippe russe » en 1890 ; en brandissant un bouquet d’aubépines, comme la jeune Maria Blondeau, à Fourmies, lors du 1er mai 1891 ; en étant pulvérisé par les cadeaux piégés des Ravachol and Co, l’année 1892 ; en sacrifiant sa noble personne lors de l’incendie du Bazar de la Charité, en 1897 ; en croisant le coutelas de Vacher l’éventreur, « l’anarchiste de Dieu », en 1897 également ; en se parachutant depuis le premier étage de la tour Eiffel pour s’écraser quelques mètres plus bas, comme le tailleur aéroplane Franz Reichelt, en 1912 ; etc.
Il y a tant de manières de mourir à la Belle Epoque ! Un éventail de trépas dont Arnaud-Dominique Houte nous détaille les péripéties au long de ses éphémérides macabres d’un quart de siècle (1889-1914), du centenaire de la Révolution à la Grande Guerre, dont il emblématise chaque année par un événement tragique, crime, catastrophe ou accident. Manière de montrer que ce chrononyme tardif (il ne devint populaire qu’en 1940) et réjouissant dissimule une histoire des plus sombres. L’Envers de la Belle Epoque est une parade chronologique qui analyse surtout au mieux le feuilletage des angoisses, le cocktail de peurs qui « se juxtaposent et se superposent », ne restant pas ciblées et cloisonnées, signe d’une période transitoire. La panique apocalyptique fusionnant avec la crainte des épidémies, la peur du « rouge » se mêlant à celle des inondations, la stupeur générée par les catastrophes ferroviaires allant de pair avec la haine du juif ou du marginal. Ni trop beau ni trop sombre, ce segment historique, où claironnaient pourtant les assurances philosophiques et les certitudes scientifiques, fut surtout anxieux et déboussolé. Le 1er août 1914 mit les choses au net.