Entre Castres et Toulouse, les vies englouties de l’A69 : habitants évacués, maisons rasées, terres arrachées…

C’était une belle maison. Dissimulée derrière une rangée d’arbres, 350 mètres carrés sur deux niveaux, pas un voisin à l’horizon. Certes, la façade donnait quasiment sur la nationale 126, mais la vie se déroulait à l’abri de la route, de l’autre côté, du côté de l’immense véranda, du jardin de 9 000 mètres carrés et de la vue sur le clocher de Bourg-Saint-Bernard, au loin, sur les hauteurs. Jean-Noël Gilabert et sa compagne sont arrivés en 2003 à La Bordé du Pin, lieu-dit situé à Montcabrier, à mi-chemin entre Castres et Toulouse. « C’était une zone paradisiaque, se souvient-il, la belle campagne, la petite vallée. Les lobbys l’ont anéantie. »

Un matin de 2020, la belle maison avec jardin est devenue une belle maison avec autoroute dans le jardin. Un courrier est arrivé à la mairie de Montcabrier où il était adjoint, et Jean-Noël Gilabert a découvert que la future A69 entre Verfeil, près de Toulouse, et Castres allait passer là, à 25 mètres de sa véranda, d’où il ne verrait plus le clocher puisqu’un mur antibruit de 5 mètres de haut serait érigé.

« Je suis passé par toutes les phases du deuil. » La colère, le déni, la prise de conscience, puis le combat, pour négocier l’expropriation avec Atosca, concessionnaire de l’autoroute controversée, et déménager à 30 kilomètres de là. « C’est un arrachement, vous comprenez bien. Vous mettez un coup de gomme sur vingt ans de votre vie, parce que des gens l’ont décidé. »

En partant, cet artiste âgé de 75 ans a repensé aux premiers pas de son fils Florentin, né dans cette maison, aux sculptures façonnées dans l’atelier, aux amis de passage, aux moments heureux. « Beaucoup d’amour, beaucoup de vie. » Les 350 mètres carrés sont vides. Le jardin s’est transformé en jungle, les herbes folles envahissent la véranda, le vieux panier de basket de Florentin gît au sol. La belle maison est désormais une épave.

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